Photographier ou cartographier un espace faux déjoue la valeur traditionnellement référentielle de la photographie ou de la carte, qui supposent l’existence du territoire qu’elles représentent. Ce paradoxe se complexifie quand ces espaces prennent une valeur performative qui rend trouble leur statut, intradiégétique ou métaleptique. Ainsi de la « ville de papier » éponyme d’Olivier Hodasava, qui sort de terre à l’emplacement de ce qui n’était qu’un toponyme fictif sur une carte. À l’inverse, dans Les États et empires du lotissement Grand-Siècle de Fanny Taillandier, récit post-apocalyptique, cartes et photographies, censées figurer les ruines d’une civilisation disparue, sont en fait des représentations d’espaces existants. L’inclusion de cartes et de photographies de faux espaces acquérant une existence réelle, ou de vrais espaces déréalisés par leur immersion dans un contexte fictionnel, interroge la capacité du récit fictionnel à modéliser la réalité à travers le faux : la fiction, en construisant des cartes faussées mais performatives, rend non seulement visible, mais lisible, le réel, en le produisant comme réalité ontologiquement problématique.