L’ouvrage d’Emmanuel Beaubatie, tiré de sa thèse de doctorat soutenue en 2017, marque une nouvelle génération de travaux sur les transidentités en France. Lors même que nombre d’études menées précédemment étaient consacrées à la seule question de la subjectivité, ou aux transitions, souvent analysées comme résumant la « question trans’ », Transfuges de sexe inscrit son objet dans une double sociologie, du genre comme de la mobilité sociale. En s’intéressant à des parcours, à la fois renseignés par une enquête qualitative et une enquête quantitative très robustes, l’ouvrage démontre que les transitions de genre sont aussi des transitions de classe : d’une façon générale, les hommes trans’ connaissent une mobilité sociale ascendante, et les femmes trans’ une mobilité descendante. Ce paramètre « général » des mobilités sociales de sexe est ensuite raffiné tout au long de l’ouvrage et croisé à de nombreuses autres variables (comme la race et la classe) modulant en profondeur l’hypothèse princeps. L’enquête déplie ainsi l’homogénéité apparente de l’étiquette trans’ en dévoilant qu’on a à faire à une catégorie hétérogène, qu’on peut cependant définir de manière simple et unifiée. L’ouvrage débute en effet avec une définition, laquelle semble avoir remplacé, ces dernières années, la plupart des définitions précédentes. C’est bien là que le travail d’Emmanuel Beaubatie forme un marqueur : les études trans’ partent désormais de son travail, de plus en plus abondamment cité. Dans les sciences sociales françaises, Transfuges de sexe est devenu un ouvrage de référence, et les questions trans’ ne sont plus une sociologie de niche.