Une étude exhaustive de quatre assemblages lithiques provenant de sites découverts dans les zones humides du bassin inférieur de l’Escaut localisé dans le nord-ouest de la Belgique (Flandres orientales) a récemment été conduite. Ces quatre sites datent du 5e et du début du 4e millénaire avant notre ère. L’étude a révélé la présence de nombreux outils facettés, complètement inconnus antérieurement. Ils constituent donc un type d’outil inédit dans le contexte des chasseurs-cueilleurs du bassin de l’Escaut. Or, ces outils sont documentés chez les premières populations agro-pastorales du Bassin parisien et de Moyenne Belgique. Ils pourraient alors se révéler cruciaux pour mieux comprendre les rapports entretenus entre les derniers chasseurs-cueilleurs des basses terres sablonneuses des Flandres et les premiers agro-pasteurs néolithiques des régions lœssiques plus au sud. Cet article propose alors une étude inédite de ces pièces facettées qui inclut, pour la première fois, une analyse tracéologique de grande ampleur. Celle-ci repose sur la constitution d’un premier référentiel expérimental. Ce référentiel rassemble 337 minutes d’utilisation de 13 outils facettés. Ils ont été utilisés principalement pour écraser et broyer. Ces outils expérimentaux ont été testés sur des céramiques, du grès, du poisson, des os frais et brûlés (vache et cerf), et des carcasses de canards colverts. Les céramiques ont été concassées sur une dalle de grès afin de produire du dégraissant de différentes granulométries. La surface de la même dalle de grès a ensuite été piquetée pour la raviver. Les outils expérimentaux ont également été utilisés pour retirer les nageoires et les têtes de plusieurs carpes. De plus, ils ont été employés pour extraire la moelle d’os frais. Une autre expérimentation a permis la production de dégraissant en os brûlés. Dans l'expérience sur les poissons, l’outil a été utilisé pour retirer les nageoires et les têtes de plusieurs carpes. Pour l'os frais, l’objectif était d’extraire la moelle. Dans les expérimentations sur les os brûlés, il s’agissait de produire du dégraissant. Enfin, deux outils ont été utilisés pour désarticuler les carcasses de deux colverts et écraser les os creux pour en extraire la moelle. La sélection des matériaux des enclumes constitue une autre variable prise en compte lors des expérimentations. Sur cette base, 69 outils facettés archéologiques ont été analysés. 48 proviennent des sites mésolithiques du bassin inférieur de l’Escaut et 21 sites proviennent du site Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain de Vaux-et-Borset localisé dans l’Est de la Belgique. Cela autorisait alors une comparaison directe entre les outils des communautés d’agro-pasteurs et des chasseurs-cueilleurs. Notre analyse s’est déclinée en deux volets : l’analyse typo-technologique basée sur des études antérieures a été enrichie de l’analyse tracéologique inédite. Nos résultats montrent que ces outils facettés, innovation en contexte Swifterbant, représente environ 10 % de la panoplie des outils chez ces communautés. Cette proportion est tout à fait comparable à celle des sites blicquiens du Hainaut et de Vaux-et-Borset. Les outils facettés apparaissent en très petites quantités à la fin du Rubané mais c’est durant la culture Blicquy/Villeneuve-Sait-Germain qu’ils se multiplient dans certaines régions, notamment le Bassin parisien et la Belgique où ils peuvent constituer jusqu’à 20% des assemblages. Par ailleurs, les différentes catégories typo-technologiques distinguées dans les contextes BQY/VSG semblent également présentes dans le bassin de l'Escaut. Leurs proportions respectives sont difficilement comparables, car la fiabilité du système de classification utilisé doit être complété des résultats de l'analyse tracéologique. Mais quoiqu’il en soit, les formes et les dimensions semblent comparables entre les sites néolithiques et mésolithiques. Ainsi, il ressort de la présente étude que les outils facettés du bassin de l'Escaut présentent des similitudes morphométriques avec ceux découverts dans des contextes du Néolithique ancien dans la zone lœssique de la Belgique moyenne et du Nord de la France. Plus intéressante encore est l'analyse tracéologique menée sur ces artefacts. Ils semblent utilisés selon un mouvement caractérisé par une action dynamique rapide et assez puissante, comme l'écrasement, le martèlement le piquetage ou le broyage. Les matériaux travaillés correspondraient essentiellement à de la matière dure animale. Le spectre des modalités d’utilisation de ces outils pourrait être un peu plus varié à Vaux-et-Borset que sur les sites mésolithiques. Il s’agit ici d’une étude liminaire qu’il faudra bien évidemment poursuivre et enrichir à l’avenir afin de mieux comprendre le mode d’utilisation de ces outils et affiner alors les comparaisons entre les différentes communautés qui utilisent cet outillage nouveau. Cependant, on peut incontestablement lier cette innovation en contexte Swifterbant aux contacts entretenus avec les populations néolithiques de Moyenne Belgique. Ces dynamiques sont discutées à la lumière des récents résultats obtenus sur les processus de néolithisation du bassin de l’Escaut en Flandres orientales.