Recoudre des lambeaux de temps - notes sur le raisonnement chronologique en archéologie de terrain
Résumé
There is no single concept of time for archaeologists, even though this would be a common foundation for the discipline. Archaeological time is a heterogeneous construction, mobilising several sorts of time: stratigraphic time in the development of a site; functional time in the stages of production and utilisation of objects; serial and statistical time in the supposed evolution of cultural traits; calendar time measured by “dates”; and “synthetic” time made up of the great chronological-cultural divisions. These conceptual representations of time, which shouldn’t be confused with dating methods, partially reflect the intellectual history of archaeo logy with its borrowings and cross-overs. In different ways (discursive or formal, discontinuous or continuous, relative or “absolute”) they remain today concurrent as much as convergent in the elaborations of chronological interpretations by archaeologists. If there exists today a bibliography more or less abundant for each of these conceptual aspects of archaeological time, their articulation at the heart of a singular chronological reasoning and the transmission of a conception of time from one to another in a shared intellectual construct remain quite little explicit and quite little studied. This contribution addresses the question of the articulation of conceptions of time and the methodological stakes related to them, in the context of ongoing research on the formalisation of chronological reasoning in archaeological fieldwork.
Il n’existe pas pour les archéologues de conception unique du temps, qui serait un socle commun pour la discipline. Le temps archéologique est une construction hétérogène qui mobilise plusieurs sortes de temps : temps stratigraphique de la formation d’un site, temps fonctionnel des étapes de production et d’utilisation des objets, temps sériel et statistique de l’évolution supposée des traits culturels, temps calendaire mesuré des « datations », jusqu’au temps « synthétique » des grandes divisions chrono-culturelles. Ces représentations conceptuelles du temps, qu’il ne faut pas confondre avec les techniques de datation, reflètent une partie de l’histoire intellectuelle de l’archéologie avec ses emprunts et croisements. De natures différentes (discursives ou formelles, discontinues ou continues, relatives ou « absolues »...), elles restent aujourd’hui concurrentes autant que convergentes dans l’élaboration des interprétations chronologiques des archéologues. S’il existe aujourd’hui une bibliographie (plus ou moins) abondante sur chacun de ces aspects conceptuels du temps archéologique, leur articulation au sein d’un même raisonnement chronologique, le passage d’une conception du temps à l’autre dans une même construction intellectuelle, restent assez peu explicites et assez peu étudiés. La contribution proposée aborde cette question de l’articulation des conceptions du temps et des enjeux méthodologiques liés, dans le cadre d’une recherche en cours sur la formalisation du raisonnement chronologique en archéologie de terrain.