Dans le débat historiographique sur l’occupation de la Tunisie par les troupes de l’Axe (novembre 1942-mai 1943), l’Italie fasciste apparait comme un acteur mineur, presque oublié. Dès les premières chroniques , l’attention s’est traditionnellement focalisée sur les Allemands, qui déployèrent beaucoup plus de ressources matérielles et gardèrent toujours l’initiative politique et militaire. Néanmoins, aux yeux de Mussolini la Tunisie représentait un des piliers du grand dessein géopolitique qui prévoyait, par la défaite des « ploutocraties » anglaises et françaises, la création d’une sphère d’influence italienne en Afrique et dans le Méditerranée. Ce vaste projet de renversement des équilibres politiques, baptisé par Davide Rodogno « Nouvel Ordre Méditerranéen », resta assez vague dans les formulations . Pourtant, il conduisit le régime fasciste à élaborer un plan détaillé de réorganisation de la Tunisie, destinée, après la victoire de l’Axe, à passer sous l’influence italienne. Si ce rêve de domination ne se traduisit jamais en réalité, il demeura l’horizon stratégique des autorités italiennes jusqu’en 1943 et témoigna, par sa propre existence, de l’ampleur – et des limites – des ambitions impériales du fascisme à l’égard du monde arabe. Fondée sur l’étude de documents inédits du Ministère de Affaires Etrangères et de l’Etat Major de l’armée italienne, ma contribution se propose d’explorer les implications du projet italien de réorganisation de la Tunisie, qui impliquait un bouleversement politique, social et démographique d’ampleur inattendue. En parallèle, elle vise à stimuler le débat sur les sources d’archive et sur leur valorisation à une échelle transnationale.