Jean Epstein a inventé dans son film Mauprat (1926) la figure du « saut dans la nature », qui consiste à faire se rejoindre l’humain et le vivant qui l’entoure et le constitue, dès lors qu’un personnage de film a été séparé de son milieu naturel par une société artificialisée, et qu’il regagne ce milieu originaire dans un bond performatif. On pourrait retracer au sein du cinéma narratif l’histoire de cette figure filmique fondée sur l’agencement de motifs et de formes. Il est possible également de transposer cette histoire dans les gestes, techniques et procédés du cinéma expérimental. C’est ce que je propose de faire ici en envisageant le saut dans la nature comme un plongeon : quand l’humain met en œuvre une perception esthétique qui le plonge dans la nature ; quand un corps est lui-même immergé dans un milieu naturel, donnant lieu à des formes d’intrication ; et quand les procédés mêmes de fabrication des images s’apparentent à un plongeon dans un grain bain, notamment pour révéler les images argentiques selon des processus de développement naturels. Ces différentes manifestations des rapports de l’humain à la nature seront envisagées au sein d’un corpus de films pour la plupart récents, marquant ainsi la prévalence de cette préoccupation chez les cinéastes contemporains .