Mon propos est d’éclairer le débat contemporain par l’ancien. En cela, je propose une autre histoire que celle que présentent Roland Barthes, Hayden White, et d’autres. Selon eux, la première modernité serait l'époque d’une heureuse indifférenciation entre histoire et fiction, l’histoire étant alors considérée comme une branche de la rhétorique, un art littéraire. Si cette proximité de l’histoire et de la littérature est indéniable, leur confusion n’allait pas de soi. La variété des positions et l’abondance des débats, leurs contradictions internes et externes, en témoignent. Les cerner nous aide à mettre en perspective le néo-scepticisme contemporain. Cette histoire révèlent en effet que les rapports entre histoire et fiction étaient déjà pensés, au XVIIe siècle, sous la forme d'un conflit. Il n’y a en effet personne, aà cet époque, pour se déclarer indifférent au caractère douteux du savoir historique. Rapprocher l’histoire de la fiction, comme le montrent les positions de René Descartes et de François La Mothe Le Vayer, est une arme et un argument : hier comme aujourd’hui, cela participe d’une machine de guerre contre l’histoire. Au XVIIe siècle, les théoriciens de l’histoire et ceux des genres fictionnels, du théâtre et du roman, pensent le territoire de leurs arts respectifs en termes de rivalité et de tentative d’appropriation réciproque, ce qui explique que leurs tentatives de définition rencontrent des difficultés, si ce n’est des apories. Enfin, la victoire remportée par la fiction, à la fin du XVIIe siècle, est tout à fait provisoire. Il n’y a en effet jamais de légitimité définitivement acquise de la fiction, pas plus aujourd’hui qu’à cette époque.