La Caune de l’Arago a livré divers types d’os appartenant aux membres supérieurs et inférieurs et souvent représentés par des sujets immatures et adultes. De fait, les restes humains exhumés de cette grotte constitue une collection intéressante pour discuter du comportement physique de ces Hommes du Pléistocène moyen. Les activités physiques humaines génèrent des contraintes sur les os qui réagissent en se modelant quand les conditions habituelles changent au-delà d’un certain seuil. Cette adaptation fonctionnelle de l’os est bien acceptée mais la fonction n’est pas le seul facteur induisant des modifications structurales des os, d’où l’intérêt d’étudier distinctes variables issues de différents types d’os pour interpréter rigoureusement la structure osseuse. Alors que les restes des membres supérieurs des Hommes de l’Arago offrent des informations limitées par leur état de conservation, les os des membres inférieurs fournissent de précieuses indications sur le niveau de mobilité et l’influence de facteurs non fonctionnels sur la structure. Les marqueurs de mobilité les plus probants se situent sur le tibia et la fibula. Ces os présentent respectivement une rigidité antéro-postérieure et une robustesse élevées. Leurs structures internes révèlent de forts renforcements corticaux localisés et en relation avec à des axes majeurs de contraintes fonctionnelles. Au contraire, la morphologie générale du fémur est dépendante de l’architecture pelvo-fémorale. Le pelvis probablement large de ces Hommes de l’Arago est à l’origine du renforcement médio-latéral sous trochantérien du fémur et d’une grande partie des spécificités morphologiques du complexe glutéal, bien qu’une influence de la mobilité doit être envisagée. L’architecture pelvo-fémorale pourrait également être à l’origine d’une diaphyse fémorale arrondie dans sa portion moyenne, et non étirée antéro-postérieurement comme nous aurions pu l’attendre d’individus très mobiles possédant un pelvis étroit. L’aire corticale relative très élevée à mi-diaphyse des os longs des membres inférieurs, classique chez les formes anciennes, est favorisée à l’Arago par une aire médullaire très réduite. L’os cortical très épais semble en partie constitutif de ces individus et redistribué en réponse à de fortes contraintes mécaniques. L’ensemble de nos données nous permet de postuler pour un haut niveau de mobilité chez les Hommes du Pléistocène moyen de la Caune de l’Arago. Nous n’avons pas pu mettre en évidence clairement de modifications majeures du niveau de mobilité entre les Hommes du Pléistocène moyen de l’Arago et les Hommes de la fin du Paléolithique supérieur et du Néolithique vivants dans des zones montagneuses. Cette conclusion ne va pas à l’encontre d’un modèle de mobilité distinct entre ces groupes humains. En revanche, les différences de niveau de mobilité avec les Hommes récents sportifs et sédentaires apparaissent remarquables au regard de la structure des os. Enfin, l’association d’une fibula robuste et d’un indice fibula/tibia élevé dans le contexte environnemental de la Caune de l’Arago, mixant terrains plat et vallonné, pourrait signifier une prédominance, ou une grande fréquence, de déplacements des Hommes dans les zones vallonnées et sur terrains irréguliers provoquant des mouvements fréquents d’éversion et d’inversion du pied.