Les lanceurs d’alerte font le choix de révéler des activités ou des agissements en vigueur dans leur organisation qu’ils estiment aller à l’encontre de leurs propres valeurs ou de l’intérêt général. Cette « alerte citoyenne » ou « alerte éthique » correspond à une démarche individuelle qui met en évidence des défaillances de type organisationnel ou systémique assimilables à des « failles démocratiques ». Par sa survenue, l’alerte met en évidence les limites des mécanismes de régulation institués dans la société. Lancer l’alerte conduit souvent à une forme d’isolement des personnes qui portent l’alerte, ce qui constitue une des sources majeures de leurs difficultés. Pour pallier cet isolement, différentes parties prenantes peuvent s’impliquer, voire se constituer autour des lanceurs d’alerte. Ces parties prenantes inscrivent généralement leur soutien dans une critique du fonctionnement des organisations capitalistes. Pourtant, l’articulation entre démarche individuelle des lanceurs d’alerte et actions collectives contestataires ne va pas de soi, car les démarches ne sont pas de même nature, l’une individuelle, l’autre collective. La révélation portée par le lanceur d’alerte n’aura un impact que si elle est soutenue par différentes parties prenantes, comme les syndicats, les journalistes ou les ONG. Cependant, le lien entre le lanceur d’alerte et ces acteurs ne s’établit pas de facto et se construit selon une dynamique interorganisationnelle. Dans ce chapitre, nous étudions comment l’alerte individuelle peut trouver un relais auprès de différentes parties prenantes qui décident de s’engager et, dans ce mouvement, font émerger de nouveaux dispositifs organisationnels de soutien et d’aide. Dans cette perspective, à travers un ensemble de cas d’alertes documentés, ce chapitre souligne le rôle du collectif dans la mise en place d’une trajectoire positive pour les alertes citoyennes et pour les lanceurs d’alerte qui les portent. L’isolement des lanceurs d’alerte étant source de difficultés, nous identifions les différents acteurs (syndicats, ONG, partis politiques, organes de presse, comités de soutien) leur venant en appui ainsi que la dynamique qui peut s’instaurer afin de porter l’alerte et soutenir son lanceur. Nous montrons que les parties prenantes traditionnelles ont participé à apporter un soutien aux lanceurs d’alerte ces dernières années. De plus, la multiplication d’alertes en France est l’occasion d’émerger pour de nouvelles structures qui participent à une institutionnalisation des alertes. Les cas de la maison des lanceurs d’alerte ou la plateforme The Signals Network constituent ainsi des organisations alternatives émergentes. Nous mettons en débat le rôle des collectifs de soutien des lanceurs d’alerte lors des différents moments de la trajectoire d’alerte. Si l’alerte met en évidence une faille démocratique, le relais pris par les collectifs de soutien et les organisations alternatives émergentes peut représenter une forme de résilience démocratique.