Dans toute interaction, les participants ont besoin de s'adapter, à l'environnement ainsi qu'à leurs interactants, et de coopérer afin de construire ensemble des échanges, bref de s'aligner. Ceci se fait d'un côté à un niveau formel – comportemental (à travers des imitations et reprises formelles) et séquentiel (en réagissant de la manière attendue) – et de l'autre côté à un niveau évaluatif (montrer son accord avec autrui). Nous nous intéressons dans cette intervention au niveau évaluatif, en mobilisant les concepts d'affiliation (Stivers et al., 2011) et d'agreement en lien avec le statut socio-épistémique d'un participant (Heritage & Raymond, 2005). Nos données proviennent d'interactions autour d'un jeu collaboratif digitalisé conçu pour la détection et l'analyse de compétences comportementales (soft skills). Les joueurs se voient et s'entendent mutuellement à travers le jeu. Ils se trouvent dans un sous-marin qui se remplit d'eau au fur et à mesure de la partie. Pour gagner, ils doivent réparer des pannes tout en contrôlant le niveau d'eau dans le sous-marin. Ils jouent à tour de rôle et le joueur actif a une vue immersive de l'intérieur du sous-marin tandis que les joueurs non-actifs ont une vue de son plan. En plus de cette asymétrie visuelle, les joueurs incarnent des rôles différents avec des compétences spécifiques. Ces asymétries informationnelles et actionnelles dans un contexte qui nécessite non seulement que les joueurs coopèrent au niveau interactionnel, mais aussi qu'ils orientent leurs actions de jeu vers un but commun (gagner le jeu), font que le besoin d'alignement entre eux est encore plus important : afin de pouvoir prendre des décisions d'actions ensemble, les joueurs doivent mutualiser certaines informations et discuter ou accepter des propositions. Nous nous intéresserons ici à la prise de décision finale : (i) comment est-elle co-construite par les joueurs et (ii) comment se manifeste-t-elle ? Car contrairement à des décisions prises lors de réunions professionnelles où règne une hiérarchie de base et où les décisions sont rarement explicitées (Huisman, 2001), nous n'avons pas d'hiérarchie entre nos joueurs et les décisions prises se reflètent directement dans leurs actions immédiates. Pour comprendre le processus interactif de prise de décision dans un jeu collaboratif à distance, nous accorderons une attention particulière au statut épistémique des joueurs actifs et inactifs et la manifestation de l'acceptation de ce dernier. A l'aide de quelques exemples, nous montrerons nos premières pistes d'analyse. Bibliographie Heritage, J., & Raymond, G. (2005). The Terms of Agreement: Indexing Epistemic Authority and Subordination in Talk-in-Interaction. Social Psychology Quarterly, Vol. 68(No. 1), 15–38. https://doi.org/10.1177/019027250506800103 Huisman, M. (2001). Decision-Making in Meetings as Talk-in-Interaction. International Studies of Management & Organization, 31(3), 69–90. https://doi.org/10.1080/00208825.2001.11656821 Stivers, T., Mondada, L., & Steensig, J. (2011). Knowledge, Morality and Affiliation in Social Interaction. In The morality of knowledge in conversation (pp. 3–26).