Dans la sociogenèse qui leur est propre, le phénomène du crack à Paris ainsi que son traitement public se sont progressivement focalisés sur deux figures emblématiques et catégories indigènes essentielles : le cracker et le modou, respectivement l’usager précaire en errance et le revendeur de crack ambulant typiques de ce microcosme de la capitale. Sociologiquement proche du noia (RUI, 2014) ou encore du noiado (COSTA, 2019), connus dans le débat sur le crack au Brésil, le cracker se caractérise, dans les imaginaires, par une trajectoire d’exclusion et misère morale, par une corporéité abjecte. Éloigné à son tour du traficante (ZALUAR, 2004 ; BARCELLOS ; ZALUAR, 2014), associé à la grande criminalité et à des règlements de compte et des conflits de territoires meurtriers, le modou, originaire souvent de l’Afrique de l’Ouest, est reconnu dans la scène parisienne comme un revendeur peu violent, plutôt solidaire face à ses concurrents, voire même victime de la fureur des usagers et des riverains vigilants, les anti-came (HIDALGO ; LEFORT ; TERNUS, 1997 ; PFAU ; CADET-TAÏROU, 2018). En exploitant les traits sociologiques qui les rapprochent, par contraste ou similitude, de leurs homologues sud-américains, ce chapitre de livre puise dans leur histoire et tissu relationnel.