Les courtines ou le topos de l’autel caché (1250-1550)
Résumé
article disponible en ligne : https://books.openedition.org/psorbonne/110974
Cet article réinterroge un topos historiographique vivace selon lequel les courtines disposées de part et d’autre de l’autel à la fin du Moyen Âge empêcheraient la vision du rituel eucharistique. Communément connus au seul prisme des colonnettes surmontées d’anges entre lesquelles ils sont tendus à partir du milieu du XIIIe siècle, ces rideaux ont été peu étudiés en eux-mêmes. Loin du stéréotype des luxueuses soieries notamment diffusé par Eugène Viollet-le-Duc, ces pièces amovibles sont généralement taillées dans des tissus relativement modestes, unis, fluides, voire diaphanes. L’usage de ces textiles dont il ne subsiste aujourd’hui aucun spécimen médiéval est avant tout connu au prisme des auteurs de l’époque moderne. Au milieu du XVIIIe siècle en particulier, ces objets apparaissent au cœur des controverses opposants les tenants d’une liturgie conservatrice, qui tentent de justifier les courtines en leur prêtant une origine antique anachronique, aux partisans des autels à la romaine, qui promeuvent une nouvelle conception de l’espace ecclésial. À cette dévalorisation moderne s’ajoute dans l’historiographie contemporaine une association directe entre la visibilité de l’autel et la cléricalisation du rituel. Dans les textes médiévaux, statuts et commentaires sur la messe, les courtines ne sont cependant jamais pensées en termes de bonne ou de mauvaise visibilité. Elles doivent avant tout être comprises comme un dispositif soulignant la présence de l’autel sur un mode ornemental.