Le sound system, en tant que collectif et dispositif sociotechnique intervenant dans la création et la diffusion du reggae peut être considéré comme l’instrument national de la Jamaïque (Stanley-Niaah). Suivant le mouvement d’émigration des Jamaïcains dans l’ancienne puissance coloniale dans les années 1950, il a été l’objet d’appropriations locales en Angleterre dans un premier temps puis dans d’autres pays et continents. De même, l’usage hétérodoxe des techniques d’enregistrement a donné naissance à un dérivé du reggae, le dub (termes qui renvoie directement à ces techniques), qui évoque autant un genre musical qu’une façon de faire de la musique en partant de ces techniques de reproduction sonore, et dont l’influence sur les musiques actuelles est considérable. Ainsi la culture sound system apparaît à la fois comme vecteur de constitution d’une identité diasporique et comme objet d’hybridation à mesure que ces pratiques sont réappropriées dans d’autres contextes. C’est ce que nous aborderons avec le cas de Marseille où la réception du reggae partir des années 1980 s’est constituée dans le milieu des radios libres et les sessions sound system. Les pratiques d’appropriation du reggae via les émissions de radio et les sessions sound system ragga ont alors constitué un espace d’appropriation d’un modèle extérieur au service de l’affirmation d’une identité méditerranéenne et cosmopolite. J’aborderai ce que l’on peut ainsi désigner comme une stratégie d’hybridation (Garcia Canclini) à propos du style troubamuffin développé par le groupe Massilia Sound System. Ce faisant, je tenterai de resituer cette émergence et Marseille dans la perspective plus large de la circulation des musiques dans l’Atlantique Noire.