En mars 1908, Maurice Delafosse, administrateur de 2e classe des colonies, achevait la rédaction d’un « Mémoire sur le régime domanial et foncier dans l’Afrique Occidentale Française considéré principalement au point de vue de la garantie des droits des indigènes ». Dans ce mémoire, resté inédit, Delafosse ne cachait pas ses critiques du système colonial français et ses intentions « réformatrices » en matière de droit foncier. Au lieu de spolier ses « sujets ou protégés », la colonisation devait respecter et consolider les droits coutumiers, en vue de l’« accroissement simultané » de la prospérité des colonisateurs et des colonisés, selon une « politique d’association ». Malgré quelques ambiguïtés et compromis, le mémoire exprime clairement la conception que Delafosse avait de la colonisation, de ses tâches et de ses devoirs vis-à-vis des indigènes qu’elle devait « asso- cier » à son entreprise, tout en respectant les coutumes lorsqu’elles n’allaient pas à l’encontre des principes d’humanité. On retrouve ici une vision bénigne et impartiale de l’autorité coloniale, qui contraste nette- ment avec la situation sur le terrain et qui rend le mémoire de Delafosse un exercice somme toute abstrait et sans influence réelle, mais significatif d’une conception idéaliste et harmonieuse de la colonisation.