Que signifie pour nous, professionnels de l’éducation, chercheurs et praticiens, l’expression commune : « avoir l’expérience des enfants » ? En quoi cette expérience nous transforme-t-elle dans nos pratiques de recherche et d’enseignement ? À partir d’une recherche située dans sa pratique sur les terrains de l’enfance et des enfants, et d’une posture professionnelle engagée dans la pédagogie Freinet, la réponse apportée réside en partie dans un glissement de position : « avoir l’expérience des enfants », nécessite en premier lieu d’« être avec les enfants », condition nécessaire certes, mais pas suffisante, et qu’il faudra donc déployer pour réussir à définir de cette présence à l’autre une absence à soi-même et vice-versa. Ainsi, dans le cadre du sujet proposé à une analyse commune, à savoir « Apprendre à se former par l’expérience », je pose le rapport à l’enfant comme le lieu d’une intersection entre un éternel retour du social sur lui-même, avec ses enjeux de la relation du pouvoir au savoir, et une possibilité de transformation de ces enjeux par les acteurs eux-mêmes. De l’expérience avec des enfants pourrait advenir davantage de clairvoyance sur nous-mêmes, et une certaine efficacité à réconcilier une nature (essentialisée) et la culture, en adoptant sur cette question une posture en transversalité des différentes disciplines qui s’appliquent à travailler l’enfance (Proust A., 2000).