On a l’habitude de dire, à tort ou à raison, qu’une équipe nationale est bien plus qu’une sélection de 23 joueurs, elle est la représentation symbolique d’une nation opposée à une autre nation durant quatre-vingt-dix minutes (ou 120 minutes en cas de prolongation). Chacune des deux équipes se doit de représenter les qualités dans lesquelles sa population se reconnaît. On sait d’ailleurs combien l’émergence d’équipes nationales de football avant 1914 et la formation de championnats nationaux dans l’entre-deux-guerres ont contribué à concrétiser la reconnaissance des différences nationales . Régulièrement dans l’histoire du football les fédérations ont imposé des quotas de joueurs étrangers, voir même à certaines époques réservé le championnat aux seuls nationaux. Encore aujourd’hui, au mépris du principe de liberté de circulation, la FIFA tente d’obtenir l’acceptation par les instances européennes de la règle du « 6+5 », visant à limiter le nombre de joueurs étrangers alignés en début de match à 5. Mais, dans la réalité, les clubs ont toujours contourné ces règles, y compris par des naturalisations de complaisance (phénomène des « Oriundi ») ou en recourant aux joueurs coloniaux, et ce dans l’intérêt du sport et de la qualité des compétitions et du spectacle. Et si le football n’est toujours pas aujourd’hui à l’abri du nationalisme, de la xénophobie ou du racisme , les équipes nationales sont aussi le symbole du métissage de certaines sociétés européennes à l’image de l’équipe de France 98 « Black-blanc-beur » ou de l’équipe allemande « multi Kulti » de 2010. Ces caractéristiques – universalité de la règle, mondialisation de la circulation, exacerbation des antagonismes nationaux mais aussi de l’esprit de fraternité et des émotions collectives – nous amènent à observer le football comme un laboratoire de la liberté de circulation des personnes – footballeurs, entraineurs, agents ou même public. Ce laboratoire a l’avantage d’être en conditions réelles et sur une période de cent-cinquante ans.Or ce laboratoire montre que la stricte condition de nationalité pour appartenir à la sélection nationale est très largement un faux semblant, surtout à l’heure où les clubs, particulièrement en Europe, ont la faculté de sélectionner des équipes entièrement composées de non-nationaux (I). Cette liberté de circulation, si elle incontestablement contribué à améliorer la qualité et le niveau des compétitions européennes, a aussi sa face sombre au détriment des pays d’origine des joueurs recrutés (Amérique du Sud, Afrique) (usages et mésusages) (II).