L’ergonome praticien sera surpris de découvrir que la littérature internationale concernant l’efficacité des interventions ergonomiques visant la prévention des TMS n’est pas capable de montrer l’efficacité de son action, en quelque circonstance que ce soit. L’évaluation des interventions ergonomiques est pourtant essentielle à l’ergonomie, en tant que pratique professionnelle et discipline. Qu’est-ce qui fonctionne, pour qui et dans quelles circonstances ? Quel type d’intervention produit quel type d’effet pour quel type de contexte ? Ces questions contemporaines ne trouvent pas de réponse. Le paradigme d’évaluation qui domine la recherche biomédicale, celui de l’expérimentation, ne permet d’évaluer que des interventions simples, là où l’épidémiologie a établi le caractère multifactoriel des TMS, et alors que les praticiens conduisent des interventions complexes. Ce sont ces interventions complexes qu’il faut évaluer. Il faut pour cela élaborer un autre cadre d’évaluation des interventions. Notre proposition articule les principes de l’évaluation réaliste et celles de l’investigation de l’expérience de l’intervention, fondée par une ontologie relationnelle. La perspective d’évaluation défendue est compréhensive. Sur le plan de l’action, elle vise l’instrumentation de la réflexivité collective par la production et la mise en circulation de descriptions hétérogènes et originales de l’intervention. Sur le plan de la connaissance, elle vise une discussion scientifique centrée sur le processus d’intervention, dont les objets seraient : l’évaluation de la pertinence de la théorie de l’intervention, l’évaluation de la pertinence théorique du modèle d’intervention, l’évaluation de la pertinence des ajustements destinés à maintenir la cohérence de l’intervention, l’évaluation du caractère écologique du modèle d’intervention, l’évaluation des effets de l’intervention, et l’évaluation du contexte de l’intervention.