Une tradition religieuse en crise ? Al-Šayḫ Bāy al-Kuntī (1865-1929) et son apologie du soufisme
Résumé
L'histoire de l'Islam sahélo-saharien entre 1850 et 1950 est principalement celle d'une transformation, lente mais profonde, des cadres socioculturels et institutionnels à travers lesquels se déploient les manières de se penser 'islamique' aux échelles individuelles et collectives 1. Une reconfiguration du champ religieux s'amorce, produisant de nouvelles sensibilités et formes d'expression tout en remettant en question l'héritage sur lequel les dynamiques de la fabrique d'une islamité vernaculaire se sont jusqu'à présent appuyées. Que l'on se garde toutefois d'y voir à l'oeuvre uniquement l'antagonisme entre 'réforme' et 'tradition'. Toute une série d'études récentes sur l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb a pu démontrer la complexité des changements en train de s'opérer ainsi que la pluralité d'acteurs engagés qui sont loin d'afficher des profils socio-culturels homogènes de 'réformateurs' ou de 'traditionnalistes' 2. De même, si la période coloniale a en effet vu naître ce que Robert Launay et Benjamin Soares ont nommé une 'sphère islamique', reflétant l'appropriation par les acteurs musulmans de moyens de communication et d'organisation modernes comme la presse 3 , il convient également d'insister sur la capacité d'adaptation des institutions musulmanes dites 'traditionnelles', en premier lieu les confréries soufies 4. Dans cette réévaluation de l'histoire des sociétés musulmanes de l'Afrique de l'Ouest au tournant du XIX e au XX e siècle, nous pouvons aller encore plus loin et envisager la période qui s'ouvre dans les années 1850 comme étant travaillée par la concomitance de quatre facteurs
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