La culture du chanvre (Cannabis sativa) semble maintenant bien renseignée à partir du Xe siècle de notre ère en France septentrionale (Boulen et Zech-Matterne 2012), et l’utilisation des orties pour leurs fibres, généralement l’ortie dioïque (Urtica dioica), est également avérée. Toutefois, l’ortie à feuille de chanvre (Urtica cannabina) n’avait encore jamais été mentionnée parmi les études bioarchéologiques (pollen et macrorestes). Cette espèce a cependant été découverte pour la première fois à l’occasion d’une étude palynologique dans un contexte daté du XIVe siècle du site de Bezannes « le Village » (51), fouillé en 2013 (Gucker et al., en cours). Une fouille très récente à Troyes « Planche Clément » (10), dont les études sont actuellement en cours, a également révélé cette espèce.Ces mentions suscitent quelques interrogations. En effet, l’aire de répartition naturelle de cette plante s’étend de l’Iran à la Sibérie ; là, elle colonise les broussailles sur alluvions, sables, les bords de rivière, abords des villages et des voies de communication. Elle a pourtant été cultivée dans le nord de la France. En effet, ses vertus comme plante textile sont louées dans un traité d’agriculture paru au début du XIXe siècle (Collectif 1803 p. 399, Tessier et al. 1813 p. 496-498). La filasse d’ortie est notée comme bien plus facile à blanchir que celle du chanvre ou du lin. De plus, l’ortie à feuille de chanvre serait à préférer parce qu’elle « s’élève trois à quatre fois davantage » que l’ortie dioïque et sa filasse a paru « plus fine et plus forte que celle d’aucune autre ». Un traité de botanique (Réveil et al. 1870) indique que « ses tiges donnent, par le rouissage, des fibres textiles, dont on peut faire de belles et bonnes toiles et du papier ». Un autre auteur (Heuzé 1860) fait mention de cette espèce qui « donne une filasse avec laquelle on fait du fil, des cordes, etc. » ; il la cite comme introduite en France en 1749. Si cette mention, très précise, est une information, la date réelle d’introduction peut toutefois être différente. Aussi, si sa culture en France, à une période relativement récente, est maintenant démontrée, reste à trouver d’autres témoignages de celle-ci (analyse de fibres, de restes carpologiques, de phytolithes, etc…), et à comprendre la raison pour laquelle elle aurait totalement disparu de la flore française actuelle après abandon de sa culture.