L’interculturalisme et les mécanismes explicatifs des préjugés anti-immigrés
Résumé
De nombreuses recherches ont mis en évidence une influence significative des politiques nationales
d’intégration sur l’expression de préjugés ethniques (de la Sablonnière et al., 2020 ; Guimond et al.,
2013). La théorie de la dominance sociale (Sidanius & Pratto, 1999) permet de classer ces politiques
en deux types : les politiques inclusives et égalitaires qui visent à atténuer la hiérarchie sociale (par
ex., le multiculturalisme) et les politiques qui, au contraire, cherchent à renforcer les inégalités et la
hiérarchie sociale (par ex., l’assimilation). En accord avec ces distinctions, Levin et al. (2012) ont
montré que l’adhésion à des idéologies intergroupes emblématiques de telles politiques joue le rôle
de mécanisme médiateur de la relation entre l’orientation à la dominance sociale (ODS) et
l’expression de préjugés ethniques. Plus précisément, Levin et al. (2012) observent que les
personnes qui appuient la hiérarchie sociale et les inégalités (scores d’ODS élevés) expriment
davantage de préjugés parce qu’elles sont opposées au multiculturalisme et à l’idéologie du
colorblind, et parce qu’elles sont favorables à l’assimilation. Dans cette communication, il sera
question d’évaluer la généralité de ce modèle en tenant compte notamment des deux dimensions
de l’ODS (Duarte et al., 2004), et en considérant comme idéologie de la diversité le rôle de
l’interculturalisme en plus des trois idéologies étudiées par Levin et al. (2012). Les résultats obtenus
auprès d’un échantillon représentatif de la population française (N = 940) et québécoise (N = 912)
montrent que le même modèle est valable peu importe le contexte, et que l’effet des dimensions
de l’ODS sur les préjugés s’explique principalement par le rôle de deux idéologies : l’assimilation et
l’interculturalisme. Les implications de ces résultats pour la compréhension des mécanismes
explicatifs des préjugés anti-immigrés sont discutées.