Kythnos est une île des Cyclades, située au sud-ouest de l’archipel entre les îles de Kéos et Sériphos. L’île est peu connue des sources littéraires anciennes, elle n’apparaît qu’avec Hérodote pour son rôle dans la bataille de Salamine aux côtés de la coalition grecque. L’île possède cependant un fort potentiel archéologique, en témoignent les nombreux sites repérés en prospection. Seul le site de Vryokastro, sur la côte nord-est de l’île, a fait l’objet de fouilles systématiques par l’Université de Thessalie depuis le début des années 2000. Plusieurs sanctuaires ont été à repérés à cette occasion, dont le sanctuaire qui nous préoccupe aujourd’hui, situé au nord de la terrasse médiane de l’habitat. Le temple dorique, dont la construction remonte au VIIe siècle avant J.-C., possède deux naoi probablement entourés d’un mur de temenos et subit une destruction au début de la période hellénistique (début du IIIe siècle avant J.-C.). Le sanctuaire connaît ensuite des remaniements importants : un grand mur de soutènement monumentalise la terrasse du sanctuaire, permettant des rassemblements communautaires autour de l’ancien temple dont seul le naos sud sera restauré : à cette occasion, on y adjoint un adyton (en grec ancien : « le lieu où l’on ne peut pas entrer », qui désigne un espace avec un accès restreint, souvent dédié à des fonctions spécifiques au sein d’un sanctuaire). Ce dernier a été retrouvé rempli d’anciennes offrandes dédiées dans le sanctuaire durant les périodes archaïque et classique (VIIe-début du IIIe siècle avant J.-C.) qui font l’objet d’une récupération après la première destruction, et d’une nouvelle consécration. Elles côtoient alors des offrandes plus récentes, datées du IIIe siècle avant J.-C. Celles-ci sont particulièrement riches et nombreuses, ce qui indique le haut degré de richesse de la communauté de Kythnos pour ces périodes, ainsi que le rôle que l’île devait occuper au sein des réseaux commerciaux de l’Égée et de la Méditerranée. Parmi ces offrandes restées visibles durant plusieurs siècles et récupérées après la destruction du bâtiment pour orner l’adyton se trouvent également des « antiquités » datées du début de l’âge du Fer et pour certaines remontant à l’âge du Bronze, périodes durant lesquelles le sanctuaire n’était pas encore fondé. Elles ont donc été dédiées à la divinité alors qu’elles possédaient déjà ce statut d’antiquités, et elles ne constituent pas simplement des offrandes conservées sur le long terme. Leur déposition dans l’adyton du temple, construction qui bien que connue reste peu commune, doit être mis en exergue : une partie de son contenu devait être visible depuis le naos du temple, aucune trace de fermeture n’ayant été retrouvée. Dans le cadre de ce séminaire, nous nous interrogerons sur les gestes à l’origine de la déposition de ces offrandes dans l’adyton du temple restauré de Vryokastro, et des pratiques sociales et rituelles qui peuvent y être rattachées. En l’absence de textes faisait directement référence aux faits archéologiques rencontrés ici, nous prendrons en considération les parallèles ethnologiques ainsi que l’apport des études sociologiques pour proposer des hypothèses interprétatives sur ce phénomène particulier de dédicace d’objets anciens au sein d’un contexte rituel. La question de l’identité des dédicants est difficile à aborder : s’agit-il de dédicaces d’individus ou de groupes familiaux ou sociaux influents de la communauté ? Ou encore de marchands venus de Méditerranée ? Bien que l’on ne puisse apporter de réponses assurées et définitives à ces questions, l’analyse typologique des antiquités ainsi que l’étude de l’organisation du sanctuaire - qui connaît une monumentalisation de sa terrasse et la création d’un espace de réunion à caractère communautaire à cette époque -, peuvent apporter des éléments de réponse, de même que la possible identification de la ou des divinités honorées au sein du sanctuaire. La déposition de ces offrandes dans un adyton et leur possible « mise en scène » au milieu des autres dédicaces aide à percevoir les comportements rituels sous-jacents à cette pratique. La présence des ruines de l’ancien sanctuaire à proximité immédiate du naos et de l’adyton d’époque hellénistique a également dû jouer un rôle non négligeable dans la définition du culte qui y prend place, et le rappel du passé par la présence d’antiquités au sein du « trésor » du sanctuaire doit participer à ce phénomène commun de remémoration.