Le Caire et Khartoum sont deux capitales confrontées à un contexte de forte croissance démographique et d’extension urbaine horizontale et verticale. Ces nombreuses transformations en cours peuvent être abordées du point de vue des matériaux de construction qui y sont utilisés, et notamment la brique rouge. La production de ce matériau soulève en effet de nombreux enjeux politiques en termes d’exploitation des ressources naturelles, en particulier le limon argileux du Nil. Alors que, en Égypte, des décrets présidentiels ont interdit dès les années 1980 l’utilisation de l’argile des berges pour la production de briques rouges, les très nombreux ateliers toujours présents dans le centre de Khartoum sont vivement critiqués par une série d’acteurs institutionnels, dénonçant les conséquences environnementales de leur activité (pollution des sols et de l’air…). Dans les deux cas, ces discours et décrets doivent être replacés dans des stratégies politiques plus larges. Les acteurs étatiques soudanais cherchent ainsi à reconquérir les berges du Nil du centre de Khartoum pour les réaménager (projets d’hôtels, lotissements…), alors que l’Etat égyptien impose aux producteurs de briques le recours à des carrières, en périphérie de la vallée du Nil et surtout contrôlées en grande partie par l’armée. Cette communication s’appuie sur plusieurs terrains effectués dans les deux capitales entre février 2020 et juin 2021 (Master 2 et début de thèse). Cela a été l’occasion de réaliser près de 80 entretiens informels et semi-directifs avec des acteurs à toutes les étapes de la filière de la brique rouge (architectes, producteurs, vendeurs, habitant.e.s…). Le but de cette intervention est donc de montrer que la multifonctionnalité de la ressource du limon du Nil (agriculture, briques, terrain à construire) est source de conflits multiscalaires entre différents acteurs, adoptant des discours, notamment environnementaux, mais masquant des intérêts économiques et des stratégies d’aménagement.