Dans ces pages, il s'agira de penser le rapport de deux écrits en position de « marginalité » ou d'écart par rapport à une historiographie dominante, celle des guerres de Religion dans le cas présent et, plus particulièrement encore, celle de la Ligue. On essaiera d'envisager le rapport que deux écrits peuvent entretenir l'un par rapport à l'autre du point de vue de cette historiographie en mettant l'accent sur la façon dont ils laissent entrevoir l'espace de leur propre interprétation d'une part, en réfléchissant au geste plus spécifique que représente le genre de l'un d'eux, un « récit de vie », dans le cadre d'historiographies affrontées d'autre part. La censure officielle n'est en effet pas nécessairement l'élément le plus contraignant pour la production des textes. L'Historiae de Jacques-Auguste de Thou fut mise à l'Index en 16091, en raison de ses attaques contre les papes notamment, et plus largement de son gallicanisme2, mais cela n'empêcha nullement Thou de continuer à publier : la mise à l'Index était une question diplomatique indépendante de la loi française. Le texte de l'Historiae, qui avait obtenu un privilège du roi en 1604, continua de paraître dans des éditions luxueuses, pourvu de la préface en latin qu'Henri IV avait fait traduire dès cette année-là par un protestant, Jean Hotman. L'année même de la mise à l'Index parut ainsi une édition en neuf volumes des livres 1 à 65 (pour les années 1546 à 1578). En revanche, l'assassinat d'Henri IV en mai 1610 interrompit la publication qui ne reprit que quatre ans plus tard, en 1614, avec la parution des livres 10 et 11 manquants. La question de l'espace interprétatif construit par les textes est difficilement séparable de l'espace interprétatif de réception des écrits, des historiographies passées et contemporaines, mais aussi des opérations d'écriture qui