A la faveur d’une opération de sondages puis de fouilles de sauvetage organisées par des équipes de recherche CNRS et MNHN en 2016 et 2017 il a été possible de redécouvrir le site historique de Moulin Quignon. Ce site majeur, sur lequel le fondateur de la Préhistoire Jacques Boucher de Perthes avait découvert les premières « haches taillées » en silex dans les années 1840-1860, avait été totalement discrédité puis oublié depuis plus de 150 ans à la suite d’une supercherie résultant de l’introduction d’une mâchoire d’homme moderne (17e siècle) dans les sables et graviers qui livraient alors les bifaces. Le nouvel assemblage archéologique découvert en 2017 sur le site de Moulin Quignon, actuellement situé dans les jardins d’un parc de logements, comporte plus de 260 artefacts en silex dont 5 bifaces conservés dans un ensemble de sables et graviers déposé par la Somme à 40 mètres d’altitude relative au-dessus du fond de la vallée actuelle. Compte tenu de leur position dans le système de terrasses étagées de la Somme, les dépôts fluviatiles de Moulin Quignon sont corrélables avec une période glaciaire datée d’au moins 600 000 ans. Des datations par la méthode de l’ESR sur quartz obtenues sur les sables fluviatiles confirment cette approche et permettent de proposer un âge de 650 à 670 000 ans pour les artefacts de Moulin Quignon. Cette découverte fait reculer de plus de 150 000 ans l'âge de la plus ancienne occupation acheuléenne dans le bassin de la Somme et représente plus largement la plus ancienne trace d’industrie paléolithique à bifaces dans le nord-ouest de l'Europe. Enfin, ces travaux réaffirment la place centrale de la vallée de la Somme, territoire où est née la Préhistoire à la fin du 19e siècle, dans les débats actuels sur le peuplement de l’Europe.