Conscients des limites de notre modèle économique basé sur la croissance du PIB, de plus en plus de consommateurs multiplient les initiatives pour changer leurs pratiques de consommation. Plusieurs termes - simplicité volontaire, minimalisme et sobriété - recouvrent aujourd’hui des pratiques ayant le même objectif pour le consommateur, à savoir s’éloigner de l’accumulation de possessions matérielles afin de se tourner vers des sources non-matérielles de satisfaction dans la vie. La recherche qualitative présentée dans ce chapitre a pour objectif de comprendre les transitions en œuvre dans les pratiques de consommation. L’analyse de 12 entretiens de consommateurs révèle la sédimentation d’un signal faible autour de la sobriété. Trois profils de consommateurs ont ainsi émergé - les « Concernés », les « Suffisants » et les « Alternatifs » - faisant ressortir des modalités de transitions différentes vers une consommation plus sobre. Les « Concernés » peuvent être qualifiés de réactifs car ils sont en attente de propositions émanant des distributeurs concernant leur transition vers une consommation raisonnée. Ils plébiscitent les actions des distributeurs mises en œuvre en ce sens comme les actions anti-gaspillage, la vente en vrac, l’offre de produits bio mais également les partenariats avec les producteurs locaux et les implantations de proximité. Les « Suffisants » sont quant à eux plus actifs dans leur démarche de consommation, ils sont en quête d’information sur les produits et sur leurs conditions de fabrication. Ils demandent aux distributeurs des prises de position et des engagements en faveur de la durabilité des produits. Les « Suffisants » apprécient les initiatives des distributeurs autour de la réparation, de l’entretien ou encore de l’allongement de la durée de vie des produits. Les « Alternatifs » sont pour leur part les plus proactifs dans leur démarche de transition vers une consommation sobre. Ils mettent en place des stratégies de contournement des modes d’approvisionnement traditionnels et sont les plus éloignés de la distribution classique. Ils troquent, échangent ou encore récupèrent, ils portent les valeurs du « système D », de la consommation P2P, de la seconde vie des produits et prônent le modèle du prix libre ou de la gratuité. Au regard de ces trois profils, la question du rôle des distributeurs doit être traitée différemment. Le rôle d’« ajusteur sur mesure » (Bultez, 2005) n’a jamais si bien porté son nom, les distributeurs doivent accompagner les « Concernés » et les « Suffisants » dans leur transitions vers une consommation sobre, et, dans le même temps, regagner une légitimité perdue auprès des « Alternatifs ». Les pouvoirs publics peuvent eux aussi contribuer aux transitions des consommateurs vers une consommation sobre. On pense à la requalification d’espaces de jardins partagés ou à la plantation d’arbres fruitiers dans l’espace public par exemple, ou encore à la mise à disposition d’espaces à vocation de lieux d’approvisionnement. Un équilibre reste à trouver dans les interactions entre les consommateurs, les distributeurs et les pouvoirs publics pour avancer dans cette transition et inventer ensemble la société post-croissance.