À l'issue des guerres de religion, l'Europe moderne trouva le moyen de rétablir la paix civile en établissant des règles permettant aux différentes confessions de coexister. Cela passait par un partage du temps et de l'espace dans la ville, mais aussi par le jus emigranti. Tel qu'il fut défini par la paix d'Augsbourg (1555) puis par la paix de Westphalie (1648), celui-ci garantissait aux minorités religieuses le droit d'émigrer avec leurs biens, mais aussi celui de rester dans un État 1. La progressive sécularisation de la vie politique déplaça les enjeux et reposa à nouveaux frais la question de la cohésion civique et de l'inclusion de l'opposant dans la cité. Lorsqu'à partir de 1789, en France, aristocrates et patriotes se déchirèrent sur la définition de la nature du pouvoir souverain et sur l'égalité civile, la question religieuse était certes encore présente mais elle n'était plus aussi déterminante que par le passé. La question du droit à l'émigration et celle de la gestion de l'opposition politique se posèrent en revanche de manière accrue. Tout au long de la décennie révolutionnaire, les députés soucieux de terminer la Révolution se demandèrent que faire des opposants qui s'étaient multipliés à mesure que la vie politique se radicalisait. Fallait-il les éliminer en leur appliquant la peine de mort ? Fallait-il les déporter dans les colonies ? Ou fallait-il simplement les bannir du territoire national, au risque de basculer dans la guerre civile s'ils rentraient subrepticement ? La question se posait aussi de l'attitude à adopter à l'égard de ceux qui avaient émigré de leur plein gré. Fallait-il les retenir, leur imposer une taxe, ou se réjouir de leur départ ?