De bonnes raisons d'être pessimiste… De nombreux rapports nationaux et internationaux 1 pointent les inquiétudes des enfants et des adolescents envers l'avenir, que ce soit celui de la planète ou de leur futur personnel. D'où provient ce sentiment pessimiste qui se développe chez les jeunes ? Il est difficile de ne pas y voir l'écho d'un questionnement sociétal plus global, pour ne pas dire un doute, à propos des modèles de développement et modernisation des sociétés occidentales, un désenchantement concernant l'idée de progrès scientifique et social. Les inquiétudes des jeunes sont le signe qu'ils reconnaissent la fragilité de nos modes de vie pris en tenaille entre d'une part les conséquences, chaque jour plus présentes, des changements écologiques et d'autre part des bouleversements géopolitiques menaçants. Si tous ces éléments sont bien réels et inquiétants, ils n'expliquent pas pour autant par quels mécanismes les enfants et adolescents en viennent à être pessimistes. Une première explication consiste à y voir l'effet d'une exposition intense et continuelle à des informations médiatiques et des contenus culturels qui abordent ces phénomènes inquiétants. Une deuxième explication, plus profonde et plus perturbante, est l'idée que les enfants et adolescents ne sont pas seulement des récepteurs d'informations anxiogènes, c'est en fait l'ensemble de nos structures sociales, de nos institutions, et de nos modes de pensée qui les conduit à percevoir ces phénomènes comme inéluctables, insaisissables et au-delà de tout moyen d'action et d'intervention sociale. Autrement dit, les enfants et les adolescents ne sont pas pessimistes uniquement parce que les événements sont inquiétants, mais également parce que la culture et les institutions dans lesquelles ils baignent, les instruments intellectuels dont ils disposent, les amènent à les envisager sous un angle fataliste.