Depuis quelques décennies en France, on désigne par « géographie politique » – mais surtout « géopolitique » – une branche disciplinaire structurée autour d’un ensemble de chercheurs, d’objets de recherche (État, frontières, ressources…), de concepts (puissance, territoire…) de revues (L’Espace politique pour ne citer qu’elle), de points d’ancrages universitaires (par exemple : l’Institut français de géopolitique à l’université Paris-8), de méthodes et approches particulières – Yves Lacoste peut même parler, à cet égard, d’un « raisonnement » propre au géographe « politiste » (Lacoste, 2008). En revanche, c’est un sous-champ de recherche au passé un peu flou. S’il existe un certain nombre de récits rétrospectifs concernant ses origines en France, ils insistent surtout sur la timidité avec laquelle l’école française de géographie* aurait investi ce domaine de recherche – eu égard à la discrétion des productions universitaires qui s’étiquettent « géographie politique » entre 1910 et 1960. Ainsi, la géographie (universitaire) française se serait tenue à l’écart du champ politique par contraste avec d’autres traditions nationales qui se développaient au même moment – à l’instar de la Politische Geographie de Friedrich Ratzel ou de la Political Geography du géographe britannique Halford Mackinder apparues dans le premier tiers du XXe siècle. Et si, avant de prendre la forme que nous lui connaissons aujourd’hui – une sous-discipline déjà là et bien identifiée – la « géographie politique » était tout autre chose vue du passé : une matière géographique plastique et malléable, une expression au sens fluctuant, apparue au milieu du XVIIIe siècle en France. Ce chapitre revient sur les généalogies langagières et sémantiques de cette formule.