Le Val de Loire fait l’objet d’un grand nombre de politiques publiques ayant une incidence sur le paysage et son évolution. Son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2000 a renforcé l’attention portée aux paysages et leurs transformations. Au coeur du site inscrit, la commune de Luynes (Indre-et-Loire), située à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Tours, constitue un cas d’étude intéressant pour saisir la diversité (et la complexité) des outils de gestion et de régulation des paysages. Certaines parties de la commune sont concernées par un PPRi et des zonages de protection de la biodiversité, mais aussi à différentes formes de servitudes patrimoniales : un site classé, trois sites inscrits et un site patrimonial remarquable (AVAP). Les acteurs du territoire se sont par ailleurs engagés dans l’élaboration de leur Plan Local d’Urbanisme et d’un plan de paysage à l’échelle du Val de Luynes. Ces différents outils – c’est-à-dire des dispositifs de nature juridique diverse, du « droit souple » au « droit dur » – encadrent l’évolution du paysage et participent à le modeler. Le droit joue ainsi un rôle prépondérant dans le maintien des continuités paysagères, notamment au travers d’un arsenal de mesures liées à la protection des espaces. Les enjeux de ces outils juridiques sont de nature différente : protection de la nature, gestion du risque, patrimonialisation, gestion de l’aménagement et de l’expansion d’une commune périurbaine… La superposition de ces enjeux (et des outils qui les traitent) fait de Luynes un cas d’étude intéressant pour interroger les outils du droit et leurs impacts sur le paysage et son évolution. On peut notamment se demander si ces différents outils sont la résultante du projet de paysage – c’est-à-dire sa traduction dans le droit et la planification territoriale – ou bien s’ils contraignent le projet de paysage au nom de politiques sectorielles. On peut aussi interroger le droit comme une façon de réduire les discontinuités paysagères (par la régulation des usages du sol) ou au contraire comme un facteur aggravant ces discontinuités par manque de vision d’ensemble. Cette contribution propose de s’intéresser au rôle des outils du droit dans le projet de paysage. Ces outils sont pris en considération dans toute leur diversité : outils sectoriels, de planification, du droit dur ou du droit souple. Cette entrée par les outils est complétée par une étude de la stratégie des acteurs afin d’analyser comment le projet de paysage est pensé et mis en oeuvre à l’échelle de la commune de Luynes et de son val. Il s’agit donc de comprendre comment les outils sont mobilisés par les acteurs qui les utilisent pour construire une stratégie permettant à la fois de prendre en compte le paysage dans sa globalité et de répondre à des enjeux sectoriels. Souvent, ces outils peinent à traduire la complexité de l’approche paysagère et morcellent le paysage selon ses composantes (paysage urbain, paysage naturel…) ou ses enjeux (paysage patrimonial, paysage du risque…). C’est d’autant plus vrai lorsque les outils sont juridiquement opposables : le projet de paysage est contraint par les limites du droit. Il semblerait alors que l’introduction des outils du droit souple (plans de paysage, chartes paysagères…) permette de retranscrire l’ambition du projet de paysage et de faciliter sa traduction dans des outils du droit durs, plus sectorisés mais avec plus de force juridique. Outre l’analyse fine des outils mis en place à Luynes, des entretiens complémentaires avec les acteurs permettent de vérifier la validité de ces hypothèses. Nous cherchons à comprendre si la palette des outils du paysage du Val de Luynes est le fruit d’une superposition réglementaire progressive, si les acteurs du territoire ont construit une stratégie d’action – dans un temps plus ou moins long – ou si le projet résulte du produit de ces deux possibilités. À travers cette étude de cas, nous questionnons donc plus largement le rôle du droit dans le projet de paysage et la façon dont sa palette d’expression – de la recommandation à la règle ; du droit souple au droit dur – permet aux acteurs de construire une stratégie et une approche du paysage à plusieurs échelles.