Dans les dernières décennies, l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur a constitué un terrain fertile pour les débats et réflexions sur les transformations contemporaines de la parenté. La question des « origines » y tient la part belle : quelle place faut-il accorder aux donneurs et donneuses de gamètes, notamment au regard du modèle de parenté euro-américain ? À quels types de relations le recours au don donne-t-il lieu ? Cette communication s’intéressera au point de vue particulier des personnes conçues grâce à un don de sperme anonyme à partir d’une enquête en anthropologie menée en France et au Royaume-Uni. Nées entre les années 1940 et 1990, les 63 participant·e·s à cette enquête ont fait l’expérience de découvrir leur histoire conceptionnelle et ensuite, pour certaines, d’apprendre des informations sur le donneur qui leur a permis de venir au monde. Tandis que dans le modèle de parenté euro-américain, le corps est le plus souvent envisagé comme un donné – notamment vis-à-vis de la génétique et plus largement des substances procréatives –, le récit des personnes rencontrées donne ainsi à voir les réinterprétations dont le corps est le support et le moteur. L’annonce de l’existence de l’AMP avec tiers donneur, la recherche des origines, les éventuelles rencontres avec le donneur et des personnes issues du même don, mais aussi les histoires familiales (divorces parentaux, etc.) sont autant d’occasions de relire les effets du don sur les relations. Je m'appuierai sur ces nœuds réinterprétatifs pour décrire la forme particulière de processualité corporelle qu’ils mettent en lumière et que je propose d’aborder par la notion de refiguration (Ricoeur 1983).