S'appuyant sur une enquête qualitative, cette contribution s'intéresse à l'alimentation de coureurs français d'ultra trail. Devenir coureurs d'ultra est un processus long qui passe par des apprentissages et une socialisation spécifique, une préparation importante et un travail tant physique que psychologique et social. Fondé sur un endurcissement ascétique et une anticipation des défaillances potentielles, l'ultra implique l'acquisition de connaissances, de savoir-faire et d'expériences technique et physique. Ainsi, l'alimentation et des diététiques sportives constituent des ingrédients de réussite sportive pourtant relativement absents des travaux de sociologie du sport. Comprendre le système alimentaire des coureurs d'ultra constitue donc une manière originale d'identifier ou de questionner les valeurs contrastées de cette pratique paradoxale, partagée entre mesure rationnelle et recherche de l'inconnu, ascétisme et consumérisme, solitude et entraide, performance et défaillance. Nos résultats exploratoires montrent que les stratégies alimentaires des ultra-traileurs pendant la course sont assez rudimentaires et organisées autour de la gestion de contraintes. In fine, il s'agit de jouer sur les goûts et les dégoûts, afin de « survivre » et être finisher. La course produit ainsi une forme de désordonnancement du bien manger ordinaire laissant place à un quasi-carnaval culinaire fondé sur le principe simplifié de l'absorption de substrats énergétiques.