Cet article revient sur les différentes vies d’un long métrage de fiction, Brazza ou l’épopée du Congo, depuis sa réalisation en 1939 par le cinéaste Léon Poirier jusqu’à son réemploi dans une série documentaire, Décolonisations, diffusée sur Arte en 2020. Il interroge le devenir-archive de cette « fiction coloniale », consacrée à l’un des épisodes les plus célèbres de l’exploration coloniale française – les missions de Pierre Savorgnan de Brazza au Congo –, et la manière dont cette fiction est progressivement devenue un « document historique », dans le contexte du cinquantenaire de l’indépendance de la République du Congo, puis une « archive filmée » dans Décolonisations. Désormais détaché de la réputation de son auteur, ce film, longtemps oublié, semble devenu une archive consensuelle, mobilisée comme support visuel et sonore de discours contradictoires, qui répètent et rejouent le récit des origines de l’exploration coloniale à des fins politiques ou patrimoniales, sans que la capacité de cette fiction à faire mémoire soit interrogée.