Dans le paysage de la presse française, l’hebdomadaire du Canard Enchaîné s’est singularisé par l’institution d’un sous-genre nouveau, en superposant énonciation satirique et énonciation journalistique. La reformulation y est alors entreprise comme réappropriation et y devient le lieu de cristallisation d’enjeux politico-médiatiques. Le procédé de reformulation y comporte une dynamique pragmatique forte qui introduit une discontinuité énonciative dans laquelle l’intentionnalité du locuteur est un facteur déclenchant et active un système de pensée en dehors de l’énoncé lui- même. Les reformulations, nombreuses, constituent les points névralgiques dans cette énonciation satirique. Une opposition surgit entre un discours de surface (l’énoncé reformulé) et un discours de la deuxième strate (énoncé reformulant) qui requiert la réinterprétation du lecteur et engage le lecteur dans une démarche coopérative. Cet effet de contraste permet alors de moduler le dire vers le sarcasme vers l’ironie en l’intégrant dans un processus de non-congruence du dit et du dire. Le lecteur est amené chercher du contenu au-delà du texte lui-même, dans un espace interdiscursif dans lequel il se construit une connivence qui contribue justement à établir l’ethos de modération et dénonciateur libre du journal.