Malgré un consensus sur sa nécessité, l’enseignement explicite de l’oral peine à s’implanter dans les classes du troisième cycle de l’école primaire française. Les difficultés inhérentes à son enracinement restent notamment liées à son caractère multidimensionnel (Turco & Plane, 1999) où s’intriquent différentes fonctions de l’oral souvent difficiles à démêler formant « un continent » (Dupont, Grandaty, 2020). Parmi les grands types de situation d’oral de ce continent qui coexistent dans les classes, nous nous intéressons ici à celles dans lesquelles l’oral est lui-même contenu d’enseignement. À ce titre, elles supposent la mise en place de séquences d’enseignement spécifiques focalisées sur des contenus de savoir clairement identifiables. Au cycle 3 de l’école primaire, les genres oraux constituent une unité fondamentale d’enseignement pour le développement de connaissances et de compétences orales dont on peut élémentariser les composantes. Ils permettent de modéliser des pratiques langagières de référence comme des objets d’enseignement (Dupont, Dolz, 2020). Les activités scolaires relevant avant tout des différentes disciplines enseignées à l’école, l’enseignement des genres interroge le contenu thématique des prises de paroles publiques : Qu’est-ce qu’il y a à dire ? Sur quoi ? Comment le dire ? Et pour quoi faire ? Le modèle didactique du genre scolaire disciplinaire envisage plusieurs variétés d’un même genre selon les disciplines enseignées à l’école pour apporter de premières réponses à ces questions (Dupont, 2016). En effet, son design, à savoir son paramétrage corrélé à des connaissances et des enjeux disciplinaires relevant de la culture commune du groupe classe, permet de programmer des situations d’enseignement contrôlées et de gérer des contextes discursifs. Pour que les acteurs, enseignants et élèves, puissent s’emparer des genres scolaires disciplinaires, il est nécessaire de les mettre en scène dans un dispositif didactique. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, plusieurs types de séquences ont déjà été proposés sans particulièrement ou suffisamment prendre en compte les disciplines scolaires et les questions professionnelles des enseignants invitant à une réflexion didactique intégrant ces problématiques.Le projet de recherche participatif SEMO (Séquence Minimale d’Enseignement de l’Oral) qui implique deux chercheurs et seize enseignants du cycle 3 de l’école primaire a pour visée praxéologique d’investiguer ces questions. Le dispositif innovant proposé comprend quatre séquences portant chacune sur un genre - exposé, interview, lecture à haute voix et débat- dans quatre disciplines différentes : l’Éducation civique et morale, l’histoire, l’éducation sportive et physique et la littérature. Ces séquences qui s’appuient sur la notion de genre scolaire disciplinaire (Dupont, 2016) sont conduites tout au long d’une année scolaire afin d’organiser une progression dans les apprentissages des élèves. Elles se déploient chacune en quatre phases (acculturation, enjeux disciplinaires et langagiers, régulation de la production, intégration des connaissances et des compétences). Pour les mettre en œuvre, le dispositif inclut des supports enseignants et élèves, divers artéfacts (textes, vidéos), des modalités différenciées de travail et un carnet de bord qui outillent les élèves aux différentes phases de la séquences. Nous émettons l’hypothèse que le dispositif permet un espace de sémiotisation pour que les élèves identifient les composantes de l’objet d’apprentissage et se l’approprient pour entrer dans un nouvel espace langagier et de connaissances. Afin de répondre à notre hypothèse, nous avons filmé les quatre phases de la seconde séquence du projet SEMO portant sur le genre scolaire disciplinaire de l’exposé en Histoire dans une classe de CM1/CM2 : la phase de présentation du genre, la phase de dévoilement des enjeux de la prise de parole publique, la phase d’expérimentation et de coopération et enfin, la phase d’intégration des connaissances et des compétences relatives au genre enseigné. L’analyse de ces quatre phases sera effectuée en mettant en regard sous la forme de synopsis du verbatim des séances et de l’analyse des écrits réflexifs des élèves dans leur carnet de bord.