Florian BESSON Au tout début du XIII e siècle, Amaury II de Lusignan est roi de Jérusalem, même s'il règne depuis Saint-Jean-d'Acre, la Ville Sainte étant perdue depuis la reconquête de Saladin en 1187. Amaury ne doit ce titre qu'à son mariage avec Isabelle de Jérusalem, reine en titre, fille du roi Amaury I er , qu'il a épousée, avec l'accord des principaux barons, en 1197, après le décès accidentel de son époux Henri de Champagne, tombé d'une fenêtre de son palais d'Acre. Amaury est également le frère de Guy de Lusignan, ancien roi de Jérusalem, et il lui a succédé comme roi de Chypre en 1194. À la fois roi consort de Jérusalem et roi héréditaire de Chypre, il n'unit pas les deux royaumes, qui vivent dès lors leur propre évolution politique et géopolitique, mais il tente de rapprocher ces deux fonctions, s'accommodant mal notamment des limites imposées à la monarchie hiérosolymitaine par la noblesse du royaume. Écheveau politique complexe, donc, d'autant plus tortueux que s'ajoutent à ce paysage les ordres religieux-militaires, les communes italiennes, la papauté, les rois de France et d'Angleterre, et l'empereur du Saint-empire.

Amaury II est confronté à la fois à la puissance de l'empire ayyoubide, réunifié par al-'Adil, le frère de Saladin, et à des grands vassaux extrêmement turbulents. Ceux-ci, en particulier les membres des familles les plus puissantes du royaume comme les Ibelin, les Gibelet ou les Granier, ont en effet profité des troubles politiques de la fin du XII e sièclequi a vu alterner un roi lépreux, Baudouin IV, plusieurs périodes de régence, un roi enfant, Baudouin V, et la perte de la quasi-totalité du royaume sous l'effet des conquêtes de Saladinpour Revue historique, 2015, t. CCCXVII/4, n° 676, pp. 771-792 1. Puisque son fils Hughes ne récupère que le trône de Chypre, celui de Jérusalem passant à Marie de Montferrat, la fille d'Isabelle et de Conrad de Montferrat, son second mari. 2. Le Livre au roi, éd. Myriam Greilsammer, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, « Documents relatifs à l'histoire des croisades », XVII, 1995 (désormais cité Livre au Roi) ; les traductions proposées ici sont de notre fait. 3. Nous renvoyons à la communication de Corinne Leveleux-Texeira, « La Procédure criminelle dans les Assises de Jérusalem », in Bernard Ribémont et Jérôme Devard (dir.),