Conclu entre Henri IV et Charles-Emmanuel Ier de Savoie, le traité de Lyon (1601) marque un tournant dans les relations franco-savoyardes. La rive gauche du Rhône sépare désormais deux États antagonistes par une première « ligne » visible, remplaçant la Saône qui n’offrait depuis le XIVe siècle qu’une ligne de séparation théorique, devenue obsolète face aux ambitions des rois de France tournés vers les Alpes depuis les guerres d’Italie. L'entre Saône et Rhône s'apparentait alors à une « frontière-zone invisible » vouée à être annexée. Ce traité illustre la complexité de tracer une frontière interétatique durable et incontestable, celle-ci devant s'envisager dans sa double dimension : physiquement ancrée dans le relief, elle se fixe au gré de contraintes immatérielles que représentent les aléas de la géopolitique européenne. La définition d’une frontière s’observant de préférence sur le temps long, cette communication vise à montrer à travers l’exemple du Rhône comment la conception moderne de la « ligne », une frontière visible bien qu’imparfaite du fait d’enclaves territoriales de part et d’autres, s’impose au fil du XVIe siècle face à une marche médiévale aux contours flous qui ne répondait plus aux attentes de deux États lassés par près d’un siècle de conflits. Le visible remplace alors l’invisible.