Aujourd’hui, l’insalubrité, englobée dans le concept d’habitat indigne qui regroupe l’ensemble des situations constituant un danger pour la santé et la sécurité des occupants que les pouvoirs publics ont la mission d’éradiquer, reste un phénomène difficile à évaluer avec exactitude, et par suite, difficile à combattre. Les chiffres restent imprécis : suivant les données, le nombre de logements potentiellement indignes varie entre 420 000 (selon l’État) et 600 000 (pour la Fondation Abbé Pierre). La multiplicité des critères pris en compte nécessite une évaluation au cas par cas, sur signalement et à l’aide d’une grille d’analyse qui ne comprend pas moins d’une trentaine de critères par immeuble ! L’insalubrité est par ailleurs l’objet d’une police administrative spéciale de la compétence de l’État, dont « la complexité́ décourageante est, de fait, un outil entre les mains des propriétaires pour déjouer les procédures et gagner, toute honte bue, dans les prétoires face à des administrations démunies ». Les occupants sont les premières victimes de la sous-utilisation ou de la mauvaise utilisation des procédures qui en résulte. Car il faut bien se résoudre à constater que l’insalubrité, qui a survécu jusqu’à présent à toutes les politiques d’éradication, tue encore au XXIème siècle, comme l’a tragiquement rappelé l’effondrement de deux immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille, qui a causé la mort de 8 personnes le 5 novembre 2018. Comment expliquer que des immeubles situés au cœur d’un quartier de l’hyper-centre qui a fait l’objet de nombreuses interventions de requalification depuis les années 70, soient dans un état de dégradation tel qu’il a pu rendre ce drame inévitable