L'arbitrage s'est taillé la part du lion dans le marché global du règlement des différends en matière de commerce international, où il est tenu très généralement aujourd'hui pour substituable à la justice étatique. Au demeurant, on relève que l'accès à cette dernière se privatise au plan international par le biais des clauses de choix de for, tandis que dans les systèmes nationaux les plus compétitifs, les juridictions commerciales nationales tendent aujourd'hui à se comporter elles-mêmes en arbitres. Cet article s'interroge sur les conséquences de cette contractualisation des services juridictionnels pour la gouvernance de l'économie globale. Au regard de la distinction esquissée il y a trois décennies par les premières analyses de l'économie de la justice entre la fonction normative des juridictions (sous forme de précédent ou par l'effet accumulé de la jurisprudence), qui est incontestablement un bien public fourni par la collectivité, et le simple ajustement ponctuel d'intérêts disponibles, qui pourrait sans difficulté relever d'un financement privé, le transfert des services juridictionnels en matière de contentieux international vers le secteur privé devient synonyme de la maîtrise des acteurs économiques sur la production normative, dont les Etats sont peu à peu dépouillés. Pareille transformation de la justice commerciale internationale en bien privé, objet d'un marché global, incite, sur le plan théorique, à délaisser une perspective exclusivement étatiste au profit d'une vision décentrée et pluraliste de la normativité, et, au plan pratique, à redessiner l'offre de justice contractualisée afin de l'ajuster à la fonction normative qu'elle assume progressivement.