À l’aube des années 1890, Paul Robin ramène du Royaume-Uni une nouvelle lecture des théories malthusiennes : afin de pallier à l’insuffisance des ressources naturelles face à l’augmentation des populations à l’ère industrielle, il ne s’agit plus de prôner auprès des pauvres une chasteté teintée de morale puritaine. Au contraire, l’enjeu est de transmettre à large échelle des méthodes de contrôle des naissances. Cette « libre maternité », qui séduira certains courants féministes , apparaît alors comme un moyen d’échapper à une double aliénation : la condition féminine à la fin du siècle et la menace de la misère. Il n’est pas étonnant que les théories de Paul Robin aient attiré l’attention des milieux libertaires. Elles sont aussi relayées et discutées dans les revues de l’avant-garde artistique et littéraire, notamment La Revue blanche et Le Mercure de France, et intéressent des écrivains comme Laurent Tailhade ou Octave Mirbeau. Dans cet article, nous nous proposons d’étudier comment le néo-malthusianisme apparaît dans les pages du Mercure de France, selon deux approches complémentaires : une étude des différentes occurrences des noms de Malthus, Paul Robin ou encore de la Ligue de Régénération humaine dans les pages du Mercure de France, qu’il s’agira de comparer aux visions artistiques de la pauvreté, notamment féminine, dans cette même revue.