Le Bajocien inférieur (Jurassique moyen, ~170 Ma) est un intervalle de temps remarquable du Jurassique puisqu’il concentre des changements tectoniques, géochimiques et biologiques. Cependant, cette période de temps reste relativement peu étudiée en comparaison à d'autres pour lesquelles des changements climatiques ont été clairement identifiés. Cette étude ce focalise sur l'intervalle fini-Aalénien à Bajocien inférieur, en partant du constat que cet intervalle de temps est marqué par deux perturbations des isotopes du carbone des carbonates de la roche totale. Afin de mieux cadrer l'origine et l'intensité de ces perturbations, nous avons procédé à des analyses des isotopes du carbone de la matière organique (d13C MO), ainsi que de la concentration de phosphore ([P]) et du carbone issu de la matière organique (COT) dans le sédiment. Les données proviennent de deux sites d'étude : Cabo Mondego au Portugal (GSSP de la limite Aalénien-Bajocien) et Chaudon-Norante en France (ancien candidat au GSSP de la limite Aalénien-Bajocien et candidat au GSSP de la limite Bajocien inférieur-supérieur). Le premier constat est que l'excursion positive du d13C du Bajocien est observée sur l’ensemble de nos sites d’étude, aussi bien sur le carbonate de la roche totale que sur celui de la matière organique. En revanche, l'excursion négative du d13C de la limite Aalénien-Bajocien est plus difficilement observée. La matière organique ne représente qu'un faible pourcentage de la roche totale avec des valeurs comprises entre 0.5% et 1.5%. Le phosphore est, quant à lui, peu abondant à la limite Aalénien-Bajocien et semble plus abondant au début du Bajocien inférieur. Sur la base des données isotopiques obtenues sur le carbone, l'excursion positive du Bajocien inférieur semble avoir touché plusieurs réservoirs de carbone principalement océanique et biologique. Nous relions cette perturbation à une augmentation de la productivité primaire. Celle-ci peut avoir bénéficié de l'augmentation d'apport de nutriments au début du Bajocien inférieur, mais ne permet pas d'expliquer la stabilité de la perturbation dans le temps jusqu'à la transition Bajocien inférieur-supérieur. Plusieurs sources de nutriments sont hypothétiquement possible, principalement en lien avec des forçages océanographiques ou climatiques. Malheureusement, les résultats géochimiques de la bibliographie ne permettent pas de trancher entre ces deux hypothèses. Par contre, l'excursion négative de la limite Aalénien-Bajocien a déjà été reliée à une augmentation du flux de CO2 volcanique. Cette perturbation, étant moins bien identifiée dans nos résultats, il est difficile d'en confirmer l'origine. Pour finir, nous souhaitons attirer l'attention sur le fait que l'excursion positive du d13C du Bajocien inférieur montre de nombreuses similitudes avec celle du Valanginien, autrement appelée « l'événement Weissert ». Le Valanginien ayant été particulièrement étudié, une meilleure compréhension de l'événement du Bajocien inférieur réside non seulement dans l'apport de données géochimiques, mais également dans une comparaison approfondie de ces deux perturbations du cycle du carbone.