Dans cet article j’ai essayé de suggérer que les populations de Microtinés sont maintenues à de bas niveaux par des conditions adverses de leur milieu. Cependant, la fécondité de ces animaux est si grande que dès que survient un relâchement du mécanisme de contrôle imposé par l’habitat ils peuvent atteindre leur nombre maximum en quelques mois. Les Lemmings en sont capables, en tous cas, après une période de reproduction hivernale, suivie d’une période de reproduction normale en été. En ce qui concerne les Microtinés forestiers, deux séries successives de mises-bas pen dant l’été sont peut-être nécessaires. Il semble qu’il y ait deux périodes critiques chaque année, en automne et au printemps. Durant la période critique automnale une grande partie de la toundra n’est pas propice aux Lemmings parce que les températures du sol et de l’air sont au-dessous de 0° C et parce qu’il n’y a pas de couche de neige isolante. Cependant, des micromilieux favorables existent, par exemple, dans des « creux » où la première neige s’accumule. Je suggère que l’ordre de grandeur de la population qui survit à l’hiver dépend directement du nombre de ces micromilieux favorables. Dans cette façon de voir, la « capacité limite » de l’habitat ne dépend donc directement ni de la quantité de nourriture, ni de la densité de la population. Par ailleurs, de la période automnale dépend aussi la qua lité de la nourriture accessible aux animaux sous la neige. Si la couche de neige est suffisante pour servir de protection, et la nourriture de qualité adéquate, la reproduction peut continuer sous la neige, chez les Lemmings en tout cas. La seconde période critique se situe au printemps — à peu près à l’époque de la fonte des neiges. De nouveau, le nombre des micromilieux-refuges, est réduit, cette fois par l’inondation dans les points bas. Pendant ce temps, la reproduction est toujours inter rompue, et la mortalité peut-être élevée. Si la période défavorable se prolonge, la croissance et la reproduction des animaux qui ont survécu à l’hiver sont retardées. Ainsi, pour produire une « explosion » de la population chez les Lemmings, quatre conditions sont nécessaires : (1) la végé tation doit être gelée de bonne heure dans la saison pour que sa valeur nutritive soit préservée ; (2) la période critique automnale doit être courte, pour permettre à un nombre maximum d’animaux d’atteindre l’hiver ; (3) les chutes de neige doivent être suffisantes pour que la température sous la neige ne tombe pas sensiblement au-dessous de 0° C, rendant ainsi possible la repro duction hivernale ; et enfin (4) le printemps doit venir tôt et rapi dement. Il doit y avoir une importante sublimation de la neige, plutôt que des fontes génératrices d’inondations. La végétation nouvelle doit apparaître tôt pour apporter aux animaux les calo ries et les protéines qui leur sont nécessaires pour croître et se reproduire. La fin de la pullulation serait liée à l’intervention de deux facteurs. En premier lieu, la reproduction d’été est probablement limitée par un mécanisme régulateur dépendant de la densité (« density-dependent mechanism ») qui met fin à l’augmentation du nombre des individus. En second lieu, les animaux en excès sont incapables de trouver un micromilieu adéquat leur permet tant de passer la période critique automnale. La densité de la population est alors fixée par la « capacité limite » du milieu.