Avec le développement des réseaux sociaux, la parole des personnes ayant subi des violences sexuelles a pris une ampleur considérable, notamment avec le mouvement #MeToo. Les femmes, plus majoritairement touchées, semblent donc avoir obtenu des outils supplémentaires pour s’exprimer. Mais si certaines osent dénoncer les agresseurs, d’autres restent au contraire inaudibles et invisibles aux yeux du monde. Pour ces dernières, l’acceptation même de ce statut et la reconnaissance de l’anormalité des violences peuvent être des obstacles majeurs. De ce fait, il nous a semblé important de visualiser les mécanismes qui aident ces femmes à se rendre compte qu’elles sont actrices, plus particulièrement grâce une identification à des personnages fictifs. Face à un scénario, qu’il soit sous une forme littéraire, audio-visuelle ou même vidéo-ludique, l’utilisateur peut, dans certains cas, s’identifier à un personnage. Si le jeu vidéo offre directement la possibilité d’incarner un personnage, et donc d’agir sous les traits d’un autre, la littérature, le cinéma et la télévision peuvent établir un lien plus passif. Nous pouvons l’observer dans de nombreuses œuvres et de diverses manières. Par exemple, le roman Push (Precious en version française), de Sapphire, adapté sur grand écran en 2009, nous dévoile l’histoire d’une adolescente subissant les abus sexuels de ses parents. Le récit à la première personne inclut davantage le lecteur, même si l’exagération des faits peut installer une certaine distance. De la même manière, le téléfilm L’Emprise reprend l’autobiographie Acquittée d’Alexandra Lange, avec une situation plus réaliste. Ici, le thème sans équivoque peut paraître trop brusque pour une femme dans le déni, mais la met face à la réalité, du point de vue d’une autre actrice. En ce qui concerne les séries, nous notons plusieurs personnages permettant d’illustrer des cas de violences conjugales, sans pour autant les mettre sur le devant de la scène. C’est le cas du personnage de Carol Peletier dans la série The Walking Dead, adaptation du roman graphique du même nom. Alors qu’elle apparaît en tant que femme battue et personnage secondaire, elle se développe au fil du récit, jusqu’à devenir un personnage fort et actrice principale de l’intrigue. Incorporer les violences à une histoire plus générale est ici un moyen de se rapprocher davantage de la réalité : les femmes peuvent se projeter, non pas en tant que victimes passives, mais en tant que personnes appartenant à un monde, et capables de se sortir de leur statut. Différents processus d’identification peuvent donc aider à reconnaître les violences subies. Il nous semble essentiel de développer ce qui est le premier pas – peut-être l’étape la plus difficile – dans le travail psychologique de reconstruction.