La présence inédite de la réalité citadine dans le corpus de tout le recueil du Décameron atteste les interférences et tensions alors complexes entre les nouvelles valeurs bourgeoises générées par l’espace urbain et les valeurs courtoises aristocratiques encore tendues vers des rites et codes de comportements plus anciens. Il s’agira alors de montrer comment, avec un optimisme prudent que nous nous proposerons de rapprocher de celui du Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, Boccace reste confiant dans les capacités de l’individu à se révéler et à trouver dans l’éthique urbaine (ou Urbanité) une solution à cette réalité urbaine en gestation, fourmillante chaotique et troublée de la collectivité urbaine. Un terrain d’entente en somme. La vertu dynamique de cette éthique urbaine du Tecento établie, il s’agira d’examiner ce qu’il reste de sa vigueur au terme de la spirale renaissante, lors de l’avènement des grandes cités-seigneuries au terme du XVème siècle. La nouvelle définition de l’Urbanité désincarnée prônée par le Livre du Courtisan nous permettra alors de révéler l’échec du processus espéré par Boccace. Car si l’éthique urbaine demeure chez Castiglione proposée comme solution à la complexité hétérogène des cours, elle se cristallise en codes de comportement inertes, sorte de panoplies creuses derrière lesquelles l’individu est invité à s’absenter. Comme dans la représentation de La Ville idéale qui viendra illustrer notre propos, nous monterons qu’espace comme individu deviennent des entités artificiellement contraintes, rigidement encadrées par les lignes de fuites imposées, désertes de toute vie authentique. Nous illustrerons que de la poussée urbaine renaissante, dont le Décameron et le Bon gouvernement proposent les manifestes éthiques, jusqu'à la crise post-renaissante du début du XVIème, l’éthique urbaine demeure, tout en subissant une progressive désincarnation, demeure une des valeurs éthiques centrales de la civilisation italienne .