En 2020, un collectif de jeunes entrepreneurs bamakois crée ZikMali, la première plateforme de streaming malienne accessible à partir d’une application pour téléphone mobile. En mettant l’accent sur l’accès légal aux œuvres entendu comme accès payant, ZikMali entend lutter contre la « piraterie » endémique dans le pays et permettre aux artistes de « vivre de leur art ». La plateforme s’inscrit dans un large mouvement de distribution de contenus locaux en ligne et plus encore de « transformation numérique » de l’Afrique (De Bruijn et Van Dick 2012). Alors que les plateformes internationales de streaming commencent à peine à investir le continent africain, de nombreuses plateformes locales se créent depuis quelques années, en réponse à une forte demande du public et de la diaspora pour des contenus locaux (Tchéhouali 2016 ; De Beukeulaer et Eisenberg 2018). Cette intervention se propose de suivre le projet et les premiers pas de ZikMali, en mettant la focale d’une part sur la question du « droit d’auteur » et de son usage par les musiciens maliens ; d’autre part sur le consentement à payer des auditeurs pour la musique enregistrée. Cette ethnographie nous conduira à discuter ce que le numérique transforme dans l’économie de la musique malienne, alors que celle-ci se fonde aujourd’hui largement sur la circulation et le renouvellement rapide de matériaux musicaux partagés, dont la valeur réside, pour l’essentiel, dans leurs performances sociales. On verra ainsi comment les nouvelles formes de commercialisation de la musique en ligne ambitionnent de faire rupture avec ce contexte, en organisant un marché jusqu’à présent faiblement structuré et en mettant en place un appareil juridique fondé sur le « droit d’auteur », avec le soutien des grands opérateurs téléphoniques via leurs dispositifs de m-paiement, mais indépendamment des sociétés étatiques de gestion des droits d’auteur.