Cette contribution s’intéresse à l’appréhension des peuples autochtones par le droit européen, celui de la Convention européenne des droits de l’homme et celui de l’Union européenne. Il s’agit donc d’étudier si le droit européen reconnaît les peuples autochtones, d’abord dans un sens étroit, s’il admet leur existence juridiquement, les identifie, puis dans un sens plus large de se demander si cette identification a des conséquences juridiques spécifiques aux peuples autochtones, en tant que peuples premiers dotés d’une culture, notamment juridique, distincte. Bien qu’à la marge des préoccupations des droits européens, ils bénéficient toutefois de certaines modalités de protection dans la mesure où ils sont reconnus comme un « collectif » leur permettant d’accéder aux prétoires de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne. Le législateur de l’Union a en outre clairement identifié les « communautés autochtones » dans la réglementation sur les produits dérivés du phoque en s’inspirant du droit international. Ils peuvent dès lors faire l’objet de protections spécifiques à travers certaines politiques ou législations de l’Union européenne ou grâce au droit au mode de vie minoritaire reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette protection s’avère toutefois circonscrite et au-delà des quelques garanties sur lesquelles ils peuvent s’appuyer, ce droit supranational démontre bien souvent qu’il n’a pas véritablement saisi le fonctionnement de la relation coloniale existant entre l’État et les peuples autochtones, et peine donc à contribuer à son dépassement. Ainsi certaines dispositions des traités européens privilégient les reconnaissances circonscrites par le droit étatique, tant dans le droit primaire de l’Union qu’à travers l’article 56 de la Convention européenne qui constitue une véritable « clause coloniale ». La jurisprudence des cours européennes peine également à reconnaître des droits propres aux peuples autochtones notamment lorsqu’il s’agit de droit de propriété foncière originaire, tant auprès de la Cour de Strasbourg qu’auprès de la Cour de Luxembourg dans la récente affaire Inuit Tapiriit Kanatami.