En France, l’agriculture urbaine connaît aujourd’hui un réel succès. Les détracteurs en dénoncent la faiblesse de la production mais, pour les défenseurs, il importe d’en considérer la qualité et les autres apports. L’agriculture urbaine ne peut en effet se résumer à une simple activité de production, en ce qu’elle rend de nombreux services écosystémiques, y compris culturels (loisirs, éducation). Elle peut prendre des aspects variés. Dans le cadre de notre intervention, c’est sur le maraîchage que nous nous focaliserons. Il en existe aussi différentes formes et ce sont 15 maraîchers uniquement professionnels mais de différents profils, que nous avons interrogés. Au-delà de leur diversité, partagent-ils la même vision du maraîchage ? Considèrent-ils leur activité comme un bien commun patrimonialisable ? En effet, sur le territoire étudié, à savoir les communes de La Riche, Saint-Genouph et Berthenay, incluses dans Tours Métropole Val de Loire, le maraîchage est une activité ancienne. Face à la ville qui ne cesse de s’étendre, il est parvenu à se maintenir ; sa localisation lui assure même une certaine pérennité sur ce territoire puisque ces sols, en zones inondables, sont désormais considérés comme non constructibles. Plus encore, le maraîchage est désormais inscrit dans le projet urbain de la Métropole, séduite comme d’autres collectivités, en lien avec la volonté de promouvoir les circuits courts, dans une vision aujourd’hui plus systémique avec les projets alimentaires territoriaux. La ville de La Riche est l’une de celles qui surfent sur l’image positive associée à l’agriculture urbaine et, pour cela, elle a pu mettre en avant son passé maraîcher. Mais cela correspond-il à une réalité perçue par les maraîchers eux-mêmes ? Se réclament-ils de ce passé, de cette mémoire ? Le maraîchage peut-il être l’objet d’une patrimonialisation, au même titre que ce que l’on observe pour la vigne ? Après une 1re partie présentant le terrain et la méthodologie, nous montrerons, dans une 2de partie, que, de manière générale, les sols maraîchers sont des sols partagés, des biens communs car ce sont des sols productifs, dont les ressources alimentent la ville, dans une proximité souvent recherchée avec le consommateur ; les maraîchers participent aussi de l’entretien des paysages, perceptibles par tout un chacun, même si, sous serre, la culture perd de son esthétique et qu’elle demeure peu étendue ; leur activité s’inscrit enfin dans le cadre de projets collectifs, soutenus et même mis en mis en place par les collectivités. La 3e partie sera l’occasion de questionner la patrimonialisation de ces biens communs, en se fondant sur les témoignages de maraîchers. Nous verrons que les traces des pratiques passées ne font pas nécessairement sens pour eux ; ils ne perçoivent pas l’intérêt de les préserver, peut-être parce que les pratiques, les objectifs et l’image associée au maraîchage ont évolué. L’historicité de la pratique peut donc difficilement être convoquée pour faire du maraîchage un bien commun approprié par tous ; mieux vaut insister sur les services rendus.