Cette communication se fonde sur l’analyse de l’analogie romantique, particulièrement telle qu’elle a été formulée par Friedrich Schlegel et Novalis, pour examiner ensuite les avatars qu’en constituent plus d’un siècle plus tard le hasard dada et le collage surréaliste. Il s’agit de mettre en lumière les traits communs à ces procédés pour faire ressortir la filiation entre le romantisme d’Iéna et l’avant-garde dada et surréaliste et examiner les différents aspects de leur fraternité d’esprit, mais aussi pour en éclairer les points de divergence. Je m’appuierai sur des études rapprochées de quelques œuvres poétiques et artistiques de Jean Hans Arp, Max Ernst et André Breton afin de les situer dans une perspective d’histoire culturelle prenant pour angle d’approche la réflexion sur la fonction du poète et de la poésie au sein de la réalité socio-historique. La dimension proprement productive du geste créateur « analogisant » sera envisagée en recourant notamment aux outils d’analyse développés par Paul Ricœur dans La Métaphore vive (« innovation sémantique », « pouvoir heuristique de la fiction »). Par l’analogie, de façon privilégiée, le poète-artiste perçoit, accepte et restitue l’unité de l’univers et du vivant en saisissant les rapports entre les éléments qui les constituent, derrière le chaos apparent. Dans le contexte historique des guerres napoléoniennes, ou de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale, la création poétique et artistique consiste d’abord à déchiffrer micro- et macrocosme et à manifester, par des rapprochements insolites et humoristiques, le réseau de relations qui sous-tend le monde compris comme totalité organique. Mais la démarche commune aux romantiques, aux dadaïstes et aux surréalistes laisse également entrevoir entre eux des divergences significatives, divergences relatives, entre autres, à la question de la production d’un savoir et à l’équilibre entre les composantes constructives et destructives de leurs créations et de leurs projets poétiques respectifs.