Aujourd’hui classée parmi les métiers d’art, le métier de gantier nécessite un savoir-faire manuel technique, hérité des siècles passés, acquis au cours d’une période d’apprentissage qui représente la manière la plus courante de former les ouvriers gantiers à Grenoble au cours des siècles antérieurs. Avant la Révolution française, il était strictement réglementé par la corporation des maitres-gantiers qui le contrôlait et régulait ainsi l’entrée dans le milieu. L’interdiction des corporations prononcée dans la loi Le Chapelier (1791) déstructure l’organisation du secteur et plonge l’apprentissage dans ce que les fabricants gantiers appellent à la fin du XIXe siècle une « crise de l’apprentissage », termes qu’il convient de prendre avec des pincettes, comme l'a souligné Stéphane Lembré (2015). Au XIXe siècle, devenir coupeur-gantier nécessite quinze à dix-huit mois d’apprentissage auprès d’un ouvrier expérimenté chargé de transmettre son savoir-faire moyennant une somme variant entre 140 et 170 francs payée par l’apprenti désireux d’acquérir les gestes manuels techniques qui lui permettront ensuite de travailler comme coupeur pour un patron. Ainsi, l’apprentissage du métier de coupeur aux jeunes garçons devient l’apanage des ouvriers. Organisés au sein de la Chambre syndicale des fabricants de gants de Grenoble (re)fondée en 1888, les patrons tentent, dès lors, d’en prendre le contrôle dans un contexte de transformation d’une partie du secteur d’activité. La fin du XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire de l’activité gantière de Grenoble. Si le modèle de l’atelier artisanal persiste, certaines maisons de ganterie grossissent et acquièrent un rayonnement international faisant naitre de nouveaux besoins en matière de personnels. C’est dans ce contexte que naissent les premiers projets de mise en école de la formation masculine à la ganterie. Cette contribution vise à mettre au jour les initiatives patronales en matière de formation aux métiers masculins de la ganterie à Grenoble entre les années 1890 et 1920 et à interroger leurs enjeux ainsi que les formes de professionnalisation qui en découlent. Il est également question de montrer comment le patronat tente de prendre le contrôle de la formation aux métiers de la ganterie en prenant Grenoble comme terrain d’étude. Ce travail s’appuie sur le dépouillement d’archives produites par la municipalité grenobloise ainsi que patronat, un corpus permettant d’approcher au plus près le fonctionnement de l’école de ganterie dans son quotidien tout en faisant ressortir « l’humain », c’est-à-dire d’apprécier l’implication des individus dans cette fondation. Dans un premier temps, il s’est agi, pour le patronat organisé autour de la Chambre syndicale, de mener l’expérience de mise en école de l’apprentissage du métier d’ouvrier-gantier au début des années 1890, sur une durée limitée dans le temps pour ensuite élaborer de nouveaux projets (I) aboutissant, dans un second temps, à la création d’une structure durable, de taille modeste, d’initiative locale placée sous l’égide Ministère du Commerce et d’Industrie, prenant la forme d’une section de ganterie rattachée à l’École Professionnelle Vaucanson en 1910 (II).