Le transfert de l’approche technologique en préhistoire vers l’histoire des sciences permet de proposer une nouvelle méthode d’étude de la dimension ethnographique-quotidienne des pratiques scientifiques : celle des analyses des chaînes opératoires des techniques scientifiques. Parce que les opérations de fouille s’inscrivent sur le sol comme un enchaînement complexe d’enlèvements de surfaces et de volumes – issus du jeu entre la nature des gisements et les savoir-faire et les performances scientifiques des archéologues – l’étude des techniques de fouille archéologique est parfaitement adaptée pour déceler les pratiques scientifiques à l’oeuvre. Dans cet esprit, nous présentons une première étude de cas sur les archives du chantier-école d’André Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure (1946-1963). L’importance de ce cas réside dans le fait que : 1) il a été la source d’importants témoignages sur la complexité de la vie spirituelle et de l’organisation sociale des hommes durant la transition vers le Paléolithique supérieur ; 2) il a été un foyer d’innovation méthodologique à l’origine, notamment, des « fouilles ethnographiques »; et 3) il n’y a pas eu – jusqu’à présent – une étude globale et synthétique des archives et les données ainsi préservées restent, majoritairement, inédites. Malgré les difficultés pour reprendre les archives des fouilles anciennes, cette étude aboutit à : 1) la construction d’un modèle de représentation planimétrique et 3D de l’ensemble des opérations de fouille pour la première campagne à la grotte du Renne (1949) ; et 2) à l’analyse microhistorique du rôle de ce chantier-école dans l’histoire la plus récente des pratiques de la préhistoire ; notamment : a) dans le jeu tendu des constructions d’alliances entre les amateurs locaux et la tendance métropolitaine vers la professionnalisation de la préhistoire, lors des « Trente Glorieuses » ; et b) dans l’innovation dans les techniques modernes de dissection et d’enregistrement des « structures d’habitat ».