Ce chapitre s’intéresse aux formes alternatives de travail proposées par les organisations de l’Economie Sociale et Solidaire et interroge leur capacité à réinventer et à répondre aux enjeux et mutations du travail contemporain. Ce dernier est caractérisé à la fois par une injonction croissante à l’autonomie et une responsabilisation individuelle des salarié.es, souvent pointée du doigt dans l’émergence de multiples formes de mal-être, et par un renforcement du contrôle et de l’hétéronomie, en particulier dans des secteurs proposant des emplois précaires (logistique, services). Dans ce contexte, l’ESS peut-elle proposer une alternative à ces deux tendances, en créant des espaces d’émancipation et de sécurisation au travail qui ne soient pas assujettis à une logique de performance individuelle ? Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, le chapitre s’appuie sur deux cas contrastés de coopératives alimentaires, qui proposent, chacune à leur manière, de mettre en question le travail salarié. La première propose de dépasser le salariat, en s’appuyant sur un travail principalement bénévole ; la seconde, en s’appuyant sur une critique du travail salarié, propose d’en réinventer les fondements et les pratiques. Ces expériences apportent des résultats contre-intuitifs : la transformation des pratiques est plus grande dans un modèle ancré dans le salariat, mais animé par une dynamique critique et réflexive, que dans un modèle qui souhaite dépasser le salariat, sans engager un questionnement radical sur les pratiques et l’organisation du travail.